Quand j’échangeais en 2022 avec quelques jeunes ivoiriens et sénégalais à Tunis, au quartier des berges du Lac II sur leurs projets de vie, je ne pouvais pas m’imaginer que la misère allait chasser des jeunes béninois pour l’exil économique en prenant le risque vital final.
Chaque épreuve de la vie est une école qui doit interpeller ce que nous faisons au quotidien de la devise nationale de notre pays : Fraternité, Justice, Travail. Ces jeunes sont morts de la crise de cette devise.
Le désespoir vécu par un jeune est comme la sonnerie d’une horloge qui carillonne à chaque heure pour signaler l’échec de sa vie dans son propre pays ; c’est le premier naufrage du destin pour un jeune qui n’en peut plus.
Pour se relever, il faut tout reprendre au niveau de sa tête afin de repenser ses rêves. C’est le plus dur à faire face à une faillite de ses rêves passés !
Sur sa nouvelle route de l’espérance, le naufrage qui met fin à tout est celui du navire qui n’atteindra plus jamais au cap de bonne espérance.
La mer méditerranée a tellement englouti d’enfants d’Afrique, souvent sénégalais, ivoiriens…, mais c’est le tour de la jeunesse béninoise.
Lorsque les politiques publiques ne sont pas attentives aux urgences nationales, la jeunesse n’ayant plus de visibilité sur son avenir au nom d’un modèle de développement néolibéral, voilà ce qui arrive.
Le présent est le forgeron de l’avenir et le passage obligé pour son devenir. Aller demander à ces jeunes, comment voient-ils leur avenir et ils vous répondront depuis quand un aveugle voit.
L’homme devient le produit de ses efforts et des opportunités. Où sont les opportunités sur lesquelles peuvent s’adosser les efforts de ces jeunes de plus en plus paumés?
Ella LEDOFF dit que « Plus le combat est dur, plus la victoire est belle. »
Pour nos jeunes compatriotes qui sont morts dans les eaux méditerranéennes de Tunisie, plus le combat aura été très dur pour eux, et plus toute leur vie n’aura été qu’un destin englouti désormais dans cette mer.
Ils tenaient à leur vie et se sont battus sans pouvoir échapper au naufrage, mais la mort les tenait avec ces vagues nerveuses sans pitié. Avec un cœur blessé et serré par ce drame, nous compatissons à la douleur des parents éplorés car c’est dur de partir pour ne plus jamais être de retour.
Que les âmes de ces jeunes béninois reposent en paix tout en interpellant nos consciences empathiques, celles de nous les vivants temporaires.
Nous devons revoir nos politiques publiques pour les rendre plus sensibles à la formation qualifiante des jeunes avec un système de financement et de suivi des crédits pour leur autonomisation économique à base communale. L’avenir du Bénin se trouve dans l’approche territoriale de développement (ATD) et pas que dans les grandes villes côtières du Bénin.
Nous créditons la sagesse d’Edem KODJO qui enseigne que « Dans le monde contemporain, être puissant c’est exister, être faible c’est disparaître. »
Jeunesse de mon pays, vous êtes assez nombreux pour balayer les gens de ma classe d’âge et de la classe supérieure en confiant le destin de ce pays, le Bénin, à des jeunes honnêtes, serviteurs dévoués et prêts au sacrifice proportionnel, capables de libérer toutes les ingéniosités de la jeunesse dans les 77 communes en vue de faire émerger un Bénin à visage humain dans lequel chacun a sa place pour réaliser ses rêves.
L’enthousiasme étant la source de croyance en Dieu, en son pays et en soi-même, la responsabilité sociétale des partis politiques ne doit pas seulement être celle de s’organiser pour conquérir et exercer le pouvoir d’Etat, mais de prendre très au sérieux la place de la jeunesse dans tous les agendas des politiciens.
Si la misère n’appelle pas la compassion de l’acteur politique que vient-il chercher en politique ? Allez servir les pauvres et tous les paumés du Bénin, c’est là la noblesse de tout engagement politique. Pour Frank Herbert, La tristesse est le prix de la victoire. Soyez tristes pour sauver la jeunesse.
Simon-Narcisse TOMETY