Dans le marigot des intellectuels civils et militaires africains : regard sur les mystiques, les mythes et les mystifications
Le mot le plus prolifique, polysémique et très controversé qui veut tout dire pour ne rien dire tout en s\’imposant comme une marque déposée dans le marigot des complexes de supériorité et des complexes d\’infériorité, c\’est bien ce mot fétiche nommé INTELLECTUEL. Ce mot a beau revendiquer une certaine échelle d\’intense activité cérébrale faisant de tout intellectuel une personne intelligente, il reste cependant clivant et problématique. Seulement qu\’il existe une intelligence de bienveillance et du désintéressement et une intelligence de malveillance et l\’intéressement.
Il est courant aussi que le mot INTELLECTUEL soit reduit à celui de LETTRÉ donc ne peut être considéré que celui qui sait lire et écrire dans la langue du colonisateur, sait réfléchir comme le blanc et a réussi à s\’assimiler à la culture du maître. On dénie ainsi aux sachants et savants indigènes donc non instruits dans les villages africains ce titre d\’appellation réservé aux diplômés de l\’école coloniale et de ses vestiges. Malgré leur génie créateur et la force de leur autodidaxie, les artistes et artisans qui ne sont pas assez instruits, bien que dépositaires de nombreuses oeuvres de l\’esprit, ne sont pas considérés comme des intellectuels.
Pendant longtemps, est considéré comme intellectuel le commis d\’administration. C\’est l\’héritage sémantique légué par le colonisateur avec pour conséquence un antagonisme structurel entre le travail intellectuel, le travail de bureau et le travail manuel. La moralité, les facultés de droit, des lettres et sciences humaines sont bondées de monde pour une fonction publique sans place vacante alors que des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers spécialisés font cruellement défaut pour soutenir le secteur privé et créer la richesse distributive.
A quoi ça sert de porter une toge pour ne produire que des gens disqualifiés pour le marché du travail? On peut comprendre qu\’il faut que les magistrats, les avocats et les greffiers portent des toges dans les tribunaux car plus de diplômés sans-emploi, plus de délinquants pour donner du boulot aux tribunaux. Malheureusement, il y a aussi plus de diplômés qui veulent juger que de délinquants à juger.
Ne doit-on pas observer une pose de sagesse pour scruter l\’univers de ce mot INTELLECTUEL devenu le système des maux dont souffre l\’Afrique avec un système éducatif grabataire, une bombe à retardement.
Par quoi définit-on un grand intellectuel ?
Est-ce celui qui a accumulé beaucoup de diplômes?
Est-ce celui qui a accumulé beaucoup de connaissances utiles et sait les transformer en sagesse pour se frayer un chemin pour servir les autres dans l\’éthique?
Est-ce celui qui a une grande capacité d\’observation, de curiosité, de sens critique et de force de propositions ?
Est-ce un polyglotte qui parle très bien l\’anglais, le français, l\’Arabe, le russe mais ne sait pas écrire le moindre mot convenablement dans sa langue maternelle ?
Est-ce celui qui peut prononcer un discours merveilleux et cohérent sans papier et sans écran mais suffisant et orgueilleux de ses références ?
Est-ce celui qui a occupé de nombreux hauts postes politiques et/ou administratifs dans son pays et/ou à l\’international ?
Est-ce celui qu\’on qualifie de technocrate et possède beaucoup d\’argent dont l\’origine de ses avoirs reste énigmatique ?
Est-ce celui à qui on attribue beaucoup d\’aptitudes de sachant mais négligeant, désordonné ou se prenant exagérément au sérieux, très costumé et tiré à quatre épingles ?
Est-ce celui qui a un fort engagement religieux ou spirituel en plus de ses références académiques?
Est-ce celui qui a peu de références académiques mais gavé d\’une expérience pratique lui permettant de transformer ses idées en paroles et la parole en action pour résoudre des problèmes sociétaux ?
Est-ce celui qui déteste la routine, adore évaluer, capitaliser, expérimenter pour disposer de bonnes pratiques éprouvées afin de réformer ?
Est-ce celui qui a atteint un niveau de confiance supérieur en lui-même et a su créer un environnement de fertilisation croisée, de coproduction et de délégation de pouvoir pour se rendre utilement inutile afin de préparer une relève de qualité ?
Est-ce un homme qui place la sécurité et la prospérité collectives de son peuple au-dessus de ses intérêts personnels en se dévouant à toutes les causes humanistes et de l\’épanouissement de l\’HOMME?
Un intellectuel peut-il être un dictateur ?
Pourquoi, il y a peu d\’intellectuels patriotes pour défendre la démocratie, la paix et le bien-être collectif ?
Pourquoi c\’est dans le rang des \ »INTELLECTUELS\ » qu\’on compte le plus grand nombre de traites dans les luttes politiques et civiques, le plus grand nombre de corrompus et de prédateurs de deniers ainsi que les plus grands démagogues qui préfèrent renier leurs noms moyennant postes et argent en défendant le faux et en combattant la vérité?
A chacun sa réponse.
Professeur Simon-Narcisse TOMETY