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Tomety: \ »Les polices en Afrique noire à l\’épreuve des incompréhensions des populations\ »

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Professeur Simon-Narcisse TOMETY

Les polices en Afrique noire à l\’épreuve des incompréhensions des populations

Pourquoi le fossé se creuse-t-il d\’année en année entre force de l’ordre et populations en Afrique noire ?

Nous tenterons quelques explications afin que chacun prenne conscience des défis sécuritaires actuels et du futur.

Pour le politicien africain, une fois que la police nationale ou républicaine a reçu quelques moyens d\’intervention, il peut servir toutes les volontés et les abus de pouvoir des dirigeants civils. C\’est ce féodalisme pernicieux qui réduit l\’estime des populations pour leurs forces de défense et de sécurité.

Le jeu manipulateur et malsain des dirigeants civils est à la base de l\’inflation de la délinquance en Afrique noire, surtout que les dirigeants civils sont loin d\’être eux-mêmes des modèles pour leurs compatriotes, notamment la jeunesse. Ces dirigeants jouissent eux autres de passe-droits exorbitants pour l\’impunité appelés immunité. On s\’oblige à les appeler honorables et excellences alors que rares sont ceux qui méritent ces titres d\’appellation contrôlée. Quel le magistrat et quel est le haut commandement de la sécurité qui ne savent pas cette réalité? Ils savent tous que la gouvernance d\’État en Afrique noire repose sur des œufs pourris et un contexte volcanique.

Les plus grands bandits des pays d\’Afrique noire font carrière en politique afin que la police et la justice leur assurent un droit à l\’impunité de leurs actes délictueux passés et actuels. C\’est un témoignage constamment entendu et là réside les limites de la démocratie et de la dictature.

Que faire donc quand des dirigeants politiques piétinent l\’éthique et les citoyens considèrent que les hautes cours de justice sont budgétivores et ne sont efficaces en rien matière de lutte contre la délinquance optionnelle des hauts dirigeants de l\’Etat?

Sir Robert Peel considéré comme le père des services policiers démocratiques modernes a édité en 1829 neuf (9) principes dont cinq (5) sont à considérer dans les relations entre population et institution en charge de la paix pour susciter de vrais débats de faisabilité du projet de sécurisation du territoire.
Extrait de : Les principes de Sir Robert Peel pour la police en 1829

– Principe 1 : La police a pour mission fondamentale de prévenir le crime et les désordres.

– Principe 2 : La police ne peut s\’acquitter de ses fonctions que dans la mesure où ses actions sont approuvées par le public.

– Principe 3 : La police doit s’assurer de la coopération du public dans le respect des lois afin de pouvoir gagner et conserver le respect du public.

– Principe 4 : On ne doit jamais perdre de vue le fait que la collaboration obtenue du public diminue proportionnellement avec la nécessité de recourir à la force physique et à la coercition dans le maintien de l\’ordre public.

– Principe 9 : Le critère d\’efficacité de la police est l\’absence de crime et de trouble, non pas l\’action policière manifeste à cet égard.

Les principes 1, 3 et 9 résument assez bien l’importance du terme « gardien de la paix » qui n’est pas qu’un galon mais une façon d’être de tout agent de l’Etat en charge de la sécurité, de la sûreté et de la salubrité.

Ce terme n’est donc pas anodin pour l’amour des populations pour la patrie, le comportement digne des dirigeants et aussi pour l’attractivité d’un territoire.

En somme, l’agent de police encore appelé le proximier, expression qui désigne un acteur d’offre de service public de sécurité de proximité pour la population, de jour comme de nuit.

La police ne doit jamais se comporter comme un ennemi de la population tout comme chaque habitant du territoire doit veiller sur le gardien de la paix qui veille sur sa vie quotidienne.

En cela, la police jouant un rôle déterminant et régulateur dans l’application des lois et le respect de l’autorité de l’Etat, le pouvoir public ne peut pas être fort, protecteur et respectueux de la dignité humaine sans une police véritablement républicaine, car la police est une institution qui appartient au peuple comme son bien commun et son bienfaiteur.

La police républicaine et nationale se démarque de la police privée à ce titre pour n’obéir qu’aux lois de la république avec un sens élevé de responsabilité et de patriotisme.

Corrélativement, la valeur d’une police républicaine ou nationale, conformément au principe 9 de Sir Robert Peel est de veiller sur l’intérêt général et de faire en sorte que l’intérêt personnel y compris des hommes de pouvoir ne supplante l’intérêt collectif pour rien au monde en s’opposant au besoin à tout trafic d’influence susceptible de nuire à la réputation de la police, à l’honorabilité de l’Etat et au respect de la déontologie par l’agent en service.

C’est bien la raison pour laquelle la politique, la police et la justice existent en interaction pour (i) éduquer la société aux bonnes mœurs en commençant par les dirigeants qui doivent faciliter la tâche à la police en donnant eux-mêmes de bons exemples dans la gouvernance, (ii) combattre les abus de pouvoir, les abus de fonction et les abus de biens sociaux afin que prévaut la dignité humaine en tout lieu et en tout temps.

Ce faisant, le sentiment d’être en paix précède et suit le développement parce que la sécurité détermine le mode de vie de l’individu et de la société ainsi que la crédibilité de la puissance publique. Ce sentiment tenant lieu d’un état d’esprit respectueux induit des droits à la quiétude et à la liberté mais aussi des limitations d’où l’importance de la fonction d’éducateur à la citoyenneté de tout agent de la police. Comment cette fonction est-elle jouée dans la société ?

C’est là tout le débat de civilisation de notre époque avec une démographie galopante, des lois mal conçues et opportunistes dans de nombreux cas, le stress du policier mal payé et exerçant dans des conditions austères, la montée de la criminalité avec une jeunesse oiseuse et désespérée prête à en découdre.

Le policier, au-delà du pouvoir des armes, est-il suffisamment préparé matériellement, psychologiquement et tactiquement pour affronter tant de contraintes et d’hostilités dans un environnement traversé par la culture de la violence faisant de lui un bouc émissaire et le plus exposé à la colère des populations désespérées lorsque les acteurs ont fini de prendre leurs mauvaises décisions. Le policier est l’otage des abus de pouvoir des acteurs politiques et du ras-le-bol des populations sur qui pèsent les mauvaises politiques publiques qui alimentent leur misère.

Le travail de la police nationale ou républicaine sera de plus en plus électrisant dans les années à venir du fait des injustices et des pratiques d’exclusion devenues des comportements courants des acteurs politiques qui ont une conception peu favorable à la démocratie, méprisant toute possibilité de dialogue.

Le mépris pour le dialogue par les dirigeants étant un comportement radical, les policiers à leur tour se radicalisent du fait des textes radicaux qu’ils opposent aux populations qui, elles-mêmes, finissent à leur tour par se radicaliser et prêtes à en découdre avec le pouvoir public.

Toute institution radicale finit toujours par avoir en face d\’elle, une population radicale dont sa jeunesse est prête pour toutes les dérives. C\’est le danger qui guette les dirigeants politiques, la police et la justice avec la panne généralisée de l\’école de la république et la montée fulgurante des jeunes destinés aux bancs de la misère.

A cette allure des chocs entre des radicaux institutionnels et les populations radicales, les politiciens ayant échoué sur le terrain de l\’animation de la vie politique finiront par ordonner le maintien d\’ordre avec des chars et des militaires.

Ce serait le dernier dérapage institutionnel qui transformera les populations en occupants envahisseurs dans leurs propres pays dans un horizon pas si lointain que cela désormais.

Ne s\’achemine-t-on pas probablement vers une notoire incapacité à faire taire les armes en Afrique? Certainement que ce sera l\’impuissance de trop de l\’union africaine.

Les perspectives sécuritaires de l\’Afrique sont ternes pour tout observateur qui fait du terrain. Les témoignages sont alarmants alors que les dirigeants demeurent avec leur instinct de fausse tranquillité parce qu\’ils sont eux autres, locataires privilégiés des services publics de sécurité et de défense. Mais pour combien de temps?

Les politiciens ont toujours de l\’argent public pour allumer les brasiers mais ils sont souvent incapables de prévenir la guerre en adoptant des comportements pacifiques. C\’est là le piège de toutes les forces de défense et de sécurité lorsqu\’elles sont plus indulgentes face aux abus de pouvoir des institutions civiles au mépris des intérêts des populations qui ne savent plus ni compter sur les politiciens, ni sur la justice, ni sur la police et l\’armée de leurs pays.

Il est important que les décideurs politiques cessent d’être des volcans dans leurs pays pour devenir des écoles de paix, de compassion et de partage.

Ce que nous tentons d’expliquer ici c’est que la qualité de la vie dépend de la sécurité, de la sûreté et de la salubrité.

Sécurité : Limitation des incivilités, abus et risques d’accident ;
Sûreté : Limitation du désordre, de l’anarchie et de l’instabilité de l’Etat ;
Salubrité : Limitation des risques de maladie.

C’est ce triptyque du système sécuritaire qui fait d’un territoire un bassin de vie et de quiétude.

On comprend aisément pourquoi Georges BEHANZIN considère que « Seule la paix est sainte et la justice l’est aussi. La paix suppose un refus radical et absolu de la violence. […] La violence est au cœur de la condition humaine. L’un des buts de la politique est de la maîtriser partout où elle est présente ».

Voilà un chantier pour lequel les classes et les dirigeants politiques étalent leurs limites et se croient tout permis, une fois qu’ils sont à la tête de leurs Etats. Presque, eux tous ont le pouvoir pour piétiner la patrie en malmenant leurs Ancêtres et brimer leurs populations en abusant du pouvoir d’Etat et des biens sociaux.

En effet, l’action publique, les biens publics et les services publics selon l’UNESCO (1981 : 11) n’ont pour but que de garantir (i) les droits moraux qui reconnaissent que chaque homme est un être humain dont sa dignité doit être protégée et (ii) les droits légaux découlant des règles juridiques en vigueur dans les sociétés nationales qu’internationales.

A ce titre, *l’article 21 de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 affirme que toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publique de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. Cette disposition, à son alinéa 3 souligne que *« La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics […]. »*

Le bon manager territorial doit toujours avoir à cœur ce que veulent les habitants et la justification de ce vouloir collectif pour sa transformation en défi territorial pour lequel des réponses satisfaisantes sont apportées.

Enfin, l’efficacité de l’action publique selon l’article 25 de cette déclaration stipule : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse […]. »

Le tableau de bord d’une gouvernance territoriale doit obligatoirement intégrer des indicateurs de suivi de ces paramètres qui conditionnent la stabilité d’un territoire.

N’est-ce pas là le point de dérapage des comportements des dirigeants politiques qui confient leur incapacité à faire face aux insatisfactions des populations aux institutions policières et judiciaires.

Le défi du développement humain en Afrique noire doit commencer par l’obligation de servir les urgences nationales des populations avant de dépenser l’argent public pour des actions dites de modernisation donnant lieu à toute sorte de gâchis.

Simon-Narcisse Tomety
Ancien expert international de l\’équipe de la RSS en Centrafrique 2008/2010

Ancien chef de mission d\’évaluation de l\’expérience malienne de la maîtrise d\’ouvrage communale de la sécurité

Ancien assistant technique long et court termes dans plus zones crisogênes d\’Afrique de l\’ouest, du centre et de l\’est.

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