Du sentiment d\’insécurité au sentiment d\’injustice : essai sur les menaces qui pèsent sur l\’Afrique de l\’ouest et du centre
Comment faire taire les armes en Afrique ?
Cette question nous interpelle tous et la survie de l\’Afrique en dépend.
Personne ne doit s\’amuser avec la paix comme un jouet jetable. La paix ne s\’use que si l\’on ne s\’en sert pas. Elle est le capital le plus précieux et irremplaçable pour l\’épanouissement et l\’émancipation des Êtres humains. La paix se construisant par la discipline collective, dès que les populations soupçonnent des mécanismes de passe-droits, elles manifestent leur insatisfaction qui se traduit par une crise de confiance.
Sans confiance, pas de paix, et sans paix aucun développement n\’est possible. Sans paix, c\’est l\’inflation des dépenses militaires et l\’aggravation manifeste de la pauvreté pour produire davantage des insatisfaits radicaux. C,\’est le basculement dans un cercle viscéralement vicieux débouchant sur une société en panne et en perdition. Est-ce cela le destin des peuples africains ? Non!
*Le sentiment d’insécurité est par ses origines, manifestations et conséquences une inquiétude systémique qui corrode la confiance en soi, en sa corporation, en la communauté, en l’Etat et en l\’avenir de son pays et même du continent. Il affaiblit l’attractivité d’une zone ou d’un pays en accroissant les risques d’investissement de capitaux nationaux et étrangers. Il est étroitement lié aux facteurs objectifs ou subjectifs d’exposition aux *risques* (probabilité de survenance d’un danger) et menaces (présence effective du danger) suivants :
- Être proche d’une zone où sévit déjà l’extrémisme violent ;
- Circulation des armes légères et de petits calibres (ALPC) ;
- Accroissement du nombre de jeunes frappés par l’oisiveté structurelle surtout dans les campagnes ;
- Arrières-effets des mouvements de rébellion ayant engendré des possessions d’armes cachées dans les familles ;
- Trafic et consommation de stupéfiants ;
- Imminence de la période de la transhumance créant un environnement sanglant pour la bataille de l’eau, la bataille des pâturages, la bataille entre mobilité des fronts agricoles et le rétrécissement des corridors pastoraux, la bataille pour préserver ses récoltes ;
- Braquage des véhicules de transport en commun les jours de marché ;
- Faiblesse du maillage territorial des unités de sécurité intérieure et extérieure se traduisant par des interventions post-dégâts ;
- Manipulation d’engins explosifs improvisés (EEI) dont la fabrication est de plus en plus maîtrisée localement et posés sur les voies ;
- Enlèvements avec rançons de plusieurs millions de FCFA ;
- Décapitation de paysans dans leurs champs comme stratégie désertion des exploitations agricoles par les autres paysans mettant en danger la sécurité alimentaire pour toute une zone ou tout un pays;
- Enrôlement de force de jeunes et d’enfants soldats ;
- Infiltration des terroristes dans les communautés de base avec une multiplication des cellules dormantes ;
- Imminence des élections avec une montée des tensions politiques du fait d’un multipartisme mal géré et sans offre d’éducation à la citoyenneté ;
- Discours d’incitation au régionalisme et à la haine interethnique ;
- Prêche sectaire et violent ;
- Accélération de l’avancée du désert dans certaines communautés avec assèchement et ensablement des mares et terres de culture et menace de disparition de certains villages.
Comme le fait remarquer avec pragmatisme Daniel Vaillant, ancien ministre de l’intérieur (2000 à 2002) dans le gouvernement de monsieur Lionel Jospin, « La lutte contre l’insécurité ne se résume pas à une chaîne pénale et efficace. Il faut réprimer, élucider, mais aussi prévenir et dissuader. Il faut sanctionner, condamner, réparer, mais aussi rééduquer. Résumer la lutte contre l’insécurité à une question de police serait une erreur majeure ».
Cette assertion logique de Vaillant repose sur l’Esprit des lois théorisé par Montesquieu en ces termes : «Ce ne sont pas les peines qui diminuent les crimes, c’est le genre de vie des peuples et la facilité de subsistance».
Corrélativement, tout régime politique doit se soucier en permanence de trois éléments à entretenir pour la culture de la paix au service du développement humain durable entendue la sécurité humaine dont :
(i) la satisfaction du peuple de ses conditions d’existence,
(ii) le top-mental des Forces de défense et de sécurité,
(iii) l’amélioration des conditions d’exercice des professions de justice afin que cette justice repose sur le respect des droits humains et soit rendue au nom du peuple et non des plus forts de l’instant.
Simon-Narcisse Tomety
Staséologue
Analyste des profils sécuritaires des territoires