Le langage diplomatique ne cache pas tout : le droit de grève face à l\’enjeu d\’attractivité du Bénin
Je le respecte énormément mais c\’est un pas en arrière. Propros de monsieur Houngbo, ancien premier ministre togolais, actuel Directeur Général du Bureau International du Travail.
Mon commentaire
Le droit du travail au Bénin supplante-t-il le droit international du travail?
Le président Talon a fait déjà sa déclaration une première fois en Allemagne et cette fois-ci c\’est en France à propos de son dédain pour les grèves. Sa conception d\’homme d\’affaires doublée de sa posture de chef d\’État le rend plus fort car il connaît très bien ce milieu syndical et ce monde de la société civile avant son avènement au pouvoir. C\’est bien fait pour certains syndicalistes et faux leaders de la société civile qui ne sont que des oiseaux sans plumage. Ils sont rattrapés par leurs faiblesses du passé.
La vraie force du président Talon c\’est sa connaissance fine des jeux d\’acteurs dans le milieu politique pourri, le milieu syndical peu vertueux, le milieu foireux dit de la société civile et la haute administration hyper corrompue bercée par l\’impunité des chefs.
Le salarié béninois peut être facilement renvoyé moyennant quelques mois de salaire et quel que soit le motif. La facilité de licenciement pour fait de grève ou non est une aubaine pour le capitalisme. Cette garantie que donne le président Talon a ses collègues du patronat français survivra-t-il après ses deux mandats présidentiels ?
Même s\’il se bat pour la formule \ »après nous, c\’est nous\ », est-il sûr de gagner le coeur des Béninois pour que cette formule marche surtout qu\’il reconnaît lui-même qu\’il est impopulaire ? L\’impopularité du président n\’est pas une affaire personnelle mais une affaire d\’État. Si le président reconnaît lui-même qu\’il est impopulaire, son gouvernement, son parlement, la cour constitutionnelle et la CRIET sont encore plus impopulaires que lui-même.
Le patronat français ne pourra pas seulement se contenter du discours alléchant du président Talon pour courir au Bénin. Il cherchera tout de même à questionner le risque systémique pays à travers la sécurité juridique, la stabilité sociale, la géopolitique du Bénin et les relations avec ses voisins, le niveau d\’indépendance énergétique réel, la qualification de la main-d\’œuvre, la situation de la concurrence en affaires et le degré de protectionnisme, le niveau d\’endettement du pays, les facilités pour rapatrier les bénéfices, l\’analyse des avantages comparatifs et substitutifs, les comportements de la classe politique, le niveau de fonctionnement du principe de séparation des pouvoirs, le niveau d\’éducation citoyenne et ouvrière, le niveau de sécurisation des investissements étrangers, l\’état de soumission ou rebelle de la population…
Sur tous ces aspects, lesquels offrent les meilleurs arguments d\’attractivité en faveur du Bénin. Quels sont les résultats concrets et durables qui vont au-delà du mandat présidentiel de monsieur Talon? L\’environnement des affaires au Bénin sera-t-il le même avec les mêmes règles de base après le régime du président Talon? L\’analyse des risques va de pair avec la cartographie des incertitudes ?
Le capitalisme aime bien la précarisation des emplois pour maximiser ses bénéfices. Le salarié béninois est une proie facile du capitalisme, c\’est une opportunité que les grandes entreprises françaises doivent saisir. Il leur est facile d\’engranger assez de profit en venant investir au Bénin. Mais alors!
Cette nouvelle forme d\’esclavage qui ne nécessitera plus de convoyer les travailleurs dans les plantations de canne à sucre dans les Amériques suffira-t-elle pour sucrer le néolibéralisme et les caisses de l\’État ?
En quoi cette chosification de la main-d\’œuvre béninoise concourt-elle à la sécurité de l\’emploi, à la réduction de la pauvreté et enfin à l\’émergence d\’une classe moyenne dont le pouvoir d\’achat améliorera la circulation monétaire au niveau des pauvres ?
A la fin du mandat du président Talon, nous allons faire le bilan pour savoir l\’impact de la banalisation du dialogue social par la suppression quasi totale du droit de grève sur l\’attractivité économique du Bénin, les performances des secteurs de l\’éducation nationale et de la santé publique.
L\’attractivité d\’un pays requiert une coalition des forces vives. Où en sommes-nous aujourd\’hui avec l\’exclusion politique, l\’exclusion sociale et l\’exclusion économique?
Moralité
Dans une dictature, au nom de la loi de la force absolue érigée en principe de gouvernance, mais alors à tort, sont interdits deux mécanismes de fertilisation croisée :
1/ le dialogue politique ;
2/ le dialogue social.
C\’est une perte de temps que de dialoguer, paraît-il!
Aucune dictature n\’a besoin de dialogue. C\’est la démocratie qui fait du dialogue une stratégie de valorisation de l\’intelligence collective.
Les dictateurs connaissent tout et ont en main tous les instruments de répression et rien ne les arrête, parait-il aussi.
Ils font le bonheur des peuples sans écouter l\’expression de leurs besoins. On n\’appelle cette façon de procéder LE MAL DEVELOPPEMENT mais pas du développement. C\’est la confusion de beaucoup de cadres béninois.
Le développement c\’est le bien-être d\’un peuple ce n\’est pas du développement personnel de quelques uns qu\’il s\’agit.
Un gouvernement de rupture doit s\’efforcer à réaliser au moins tous les trois ans une enquête de satisfaction et d\’insatisfaction pour au moins cerner comment les différentes composantes de la population perçoivent les efforts du gouvernement et comment le gouvernement doit négocier le sacrifice proportionnel pour garder le cap de bonne espérance?
Les dictatures détestent ce genre d\’enquêtes mais au moins face à la vie chère où tout est imputé à la guerre en Ukraine, les membres du gouvernement sont sortis de leur bureaucratie pour aller sur le terrain. Bien qu\’il faille disposer d\’un ticket d\’entrée avant l\’accès à la salle de discussion, certains citoyens et même des élus de la mouvance présidentielle ont tenu des propos responsables et lucides. Pour une fois, c\’est déjà bien. Le gouvernement n\’est pas habitué à ce genre de débats publics. L\’étape de Lokossa a révélé les limites de la dictature et la force agissante de la démocratie.
Tous les dictateurs africains ont très peur de la parole publique. Les africains sont très doués pour les tournures métaphoriques et rien ne les arrête quand il s\’agit de dire au roi ce qu\’il ne veut pas entendre. Le roi qui ne veut que l\’encensement de ses griots et rien entendre des fous du roi ne saura que ce qu\’il voit.
Un gouvernement n\’a rien d\’autre à faire que de servir le bien-être commun. Et vous banalisez le dialogue social! Et un parlement a osé voter une loi de banalisation de la force de travail et une cour constitutionnelle qui trouve que cette loi est conforme à la constitution et aux conventions internationales?
Un président de la république ne doit pas protéger que la chose publique mais aussi le peuple et ses forces de travail. Suivre la vidéo d\’illustration sur la page Facebook du professeur.
Professeur Simon-Narcisse TOMETY