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Difficulté de l’ananas béninois sur le marché international: La version du prof Tomety et précise: « Moi, je ne suis pas un intellectuel insoumis, je suis tout court un intellectuel affranchi »

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À Dr DOVONOU Thierry

Merci d’avoir partagé avec moi vos réactions sur l’affaire ananas du Bénin confronté à un blocus intégral sur le marché européen. Mon éducation et mon parcours ne m’autorisent guère à faire la langue de bois. Je ne voulais pas m’intéresser à ce dossier mais je suis obligé de réagir maintenant en lisant votre post que vous avez bien voulu partager avec moi ce matin.

Je déteste le juridisme. Je suis loin d’emprunter les mêmes raccourcis que vous. Nous avons l’habitude sous le régime de la rupture et du nouveau départ de faire de la CRIET la solution à tous nos travers. La CRIET reste néanmoins le tribunal des hommes avec ses tares institutionnelles et ne sera jamais le tribunal divin. Il existe le droit administratif et faisons déjà l’effort de l’appliquer dans chaque secteur public. Au Bénin, il y a la crise du droit administratif et la plupart des agents de l’État sont devenus des hypocrites de la chaîne décisionnelle de l’Etat. En tant qu’institutionnaliste de réformes publiques, j’assume ce constat du déclin des valeurs dans les administrations et institutions publiques. Vous comprenez pourquoi je crois pas à la référence faite à la CRIET? Je suis Béninois et j’observe le fonctionnement administratif au Bénin. Je refuse la mystification. Même si ça fait 29 ans que je suis parti de la fonction publique, j’ai des clés d’observation et d’analyse de l’administration publique en tant qu’usager.

Que l’ananas béninois soit impropre à la consommation en Europe et tueur silencieux au Bénin et en Afrique, rien ne me surprend. C’est le parcours de chaque personne qui fait son expertise et son histoire. Je suis surpris qu’on découvre que nous sommes assis sur des œufs pourris. Quand on se croit très puissant, on a rarement conscience de ses propres fragilités et vulnérabilités.

Rien ne me surprend, le sujet n’est pas nouveau.

Pourquoi vous invitez la CRIET à nous sauver? Que la CRIET se sauve elle-même d’abord en réhabilitant son utilité sociale dans la conscience collective.

  • Je refuse de conférer à la CRIET un label d’organe de justice sociale et de défenseur acharné des droits humains.

Je ne peux pas jouer avec vous sur ce registre. Un instrument créé pour faire peur aux Béninois et opérer des règlements de comptes, ne peut pas être considéré comme un outil de développement à base scientifique.

Sur la base de quelle démarche, j’exprime mes réserves :

  • 1/ quand on inscrit une production nationale dans l’économie globale, attendez-vous à ce que les occidentaux ne soient pas laxistes comme nous Béninois au niveau du contrôle des normes devant régir la chaîne alimentaire qui est un problème de vie et mort vu la propagation de la dangerosité des toxines.
  • 2/ Dans un contexte de changement climatique où l’acidification des terres s’accélère et les plantes ont besoin plus d’eau contre le stress hydrique, de nourritures chimiques et de produits de défense des cultures pour leur métabolisme, la production agricole ne doit pas être sans un contrôle rigoureux : plus le droit administratif est fragilisé par le capitalisme national et international, plus la vie de l’homme devient accessoire et seul le profit reste l’enjeu principal. Les occidentaux sont plus vigilants que nous Africains.
  • 3/ Quand je travaillais à la Direction de la recherche agricole au début des années 80, il y avait des études sur l’évolution des sols sous culture même si cet exercice scientifique et technique restait au niveau des essais multilocaux; on devrait poursuivre ces activités de recherche- developpement dans tous les bassins versants du pays tant pour les sols que pour les différents produits de défense des cultures. Cotonou, vitrine du Bénin est la ville la plus toxique où on continue de consommer des légumes du site maraîchers de Houeyiho qui reçoit en permanence des polluants dangereux des avions. Qui envoyez à la CRIET depuis 25 ans qu’on en parle ?
  • 4/ Lorsque dans un pays, toutes les principales productions ne sont pas érigées en chaînes de valeur avec des produits, des dosages et le contrôle de qualité spécifiques à chaque type de production, *il n’est pas rare d’observer des substitutions de produits. *Des intrants agricoles adaptés en nature et en dosage des sols et d’une plante dans un bassin versant peuvent être utilisés dans un autre bassin versant au mépris de la santé humaine, végétale, animale et édaphiques.* C’est la république des MIDJOHODO : la rigueur d’applique aux autres et jamais à soi-même quand ses intérêts sont en jeu. Vous avez beaucoup d’agents publics qui se comportent comme des hommes d’affaires. Le mélange de genres affaiblit le droit administratif en encourageant la tricherie, la laxisme et la tolérance : c’est la plus grande école des vices administratifs. Qui ne le sait pas?
  • 5/ Est-ce que nos laboratoires sont bien équipés, avec des ressources humaines et des réactifs requis pour un fonctionnement optimal avec des examens non pollués par des trafics d’influences, la corruption et le laxisme ? Un laboratoire doit répondre à des exigences éthiques pour être en mesure de travailler aux normes et standards internationaux sans quoi, inutile d’exporter des productions alimentaires ou transformés.
  • Je sais que nous gérons sans mémoire dans ce pays et ce n’est pas que des édifices de mémoire qu’on rase, on ensevelit des dossiers pour causes de tricherie et de stratégie d’impunité aussi notamment pour dossiers à scandales économiques et financiers : souvenez des exportations des crevettes vers l’Europe rejetées par le passé par l’union européenne. Puisque politiciens, techniciens, opérateurs économiques, producteurs, consommateurs…, nous sommes tous amnésiques, l’erreur se transforme en fautes tolérées.

Le Béninois est idéologiquement opportuniste, techniquement lâche, financièrement véreux et socialement chasseur de facilités. Nous sommes tous hypocrites, puisque nous sommes toutes et tous des beni-oui-oui. *Nous ne sommes révolutionnaires qu’à la retraite mais tous enfants dociles qui a peur de dire la vérité au chef. Je tiens cette réflexion du tête à tête que j’ai eu avec le président Hubert MAGA le 27 juillet 1997.

Que les Béninois soient dans leur majorité atteints de graves pathologies conduisant à la mort, il y aura toujours des sorciers du village à qui tout s’attribue alors que les tueurs sont ceux qui importent, distribuent et intéressent par la corruption la chaîne décisionnelle de l’Etat afin que l’omerta soit la règle pour se faire du pognon.

Il vaut mieux ne pas déranger les professeurs Michel Boko et Vicencia Boco par des questions. Ils ont donné leurs opinions en techniciens mais ils ne sont pas à la décision. C’est vite fait de leur coller le statut d’opposants. Nous sommes dans un pays qui souffrent d’inepties mais il sera difficile de soumettre de tout le monde.

  • 6/ Lorsque dans un pays, l’opinion publique est inaudible les dirigeants politiques, administratifs et économiques font ce qu’ils veulent de la chaîne décisionnelle de l’Etat et de la chaîne alimentaire. Mais ça dure le temps que ça dure, après tout s’écroule comme un château de cartes.

Le lâche et le courageux finissent tous par entrer en gare terminale. L’orgueilleux, le vaniteux, le soumis et l’insoumis finissent aussi par se mordre les doigts. Si on savait!

J’espère que vous aurez le courage de diffuser ma réaction à votre post. Moi, je ne suis pas un intellectuel insoumis, je suis tout court un intellectuel affranchi.

Simon-Narcisse TOMETY

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