Le président Talon, la démocratie et le militarisme dans la misère du peuple nigérien
Oui certains qui ont l\’orgueil facile, me critiqueront mais mon dos est assez large. D\’autres trouveront qu\’il y a du sens dans ce que dit Tomety. Les plus haineux diront que je critique leur président comme s\’ils sont plus Béninois et Africains que moi. Trêve d\’errance de l\’esprit! Allons à l\’essentiel !
Je n\’aurais jamais adressé à monsieur Talon, homme d\’affaires béninois, cette réflexion sur la souveraineté d\ »un peuple et ses déterminants si nous ne ressentons pas une certaine humiliation et des chocs consécutifs à certaines décisions qu\’il prend unilatéralement au nom du peuple béninois et sans vérifier son adhésion. Nous sommes choqués aussi par le dédain pour le panafricanisme de monsieur le président. Je ne me serais jamais adressé donc à vous si vous étiez resté avec votre statut d\’homme d\’affaires et bailleur de fonds occulte des partis politiques de votre pays. Vous avez choisi de devenir président de la république et chef de l\’Etat. Dans votre posture d\’homme d\’affaires, je n\’ai aucun droit de d\’opiner sur vos affaires, celles-ci ne me concernent nullement et en rien mais alors en rien. *En revanche, monsieur Talon, président de la république est dépositaire de mission à lui confiée par le peuple souverain du Bénin dont je suis l\’émanation.* Mieux tous les moyens de puissance publique lui sont donnés par ce peuple pour servir les intérêts du pays avant ses propres intérêts et ceux des étrangers. Nous devons nous entendre sur ce minimum de base. Le peuple attend de son président l\’épanouissement collectif au moyen de l\’opérationnalisation de la devise nationale : Fraternité Justice Travail. Aucun projet de société ne doit sortir du cadre de cette devise-valeur de la république.
Le président Talon parle de démocratie, de droit de l\’homme, de développement et de la méthode pour ne pas compromettre la paix dans l\’espace CEDEAO.
Je découvre un président Talon qui met l\’emphase sur l\’écoute du peuple.
Merci beaucoup président Talon pour cette leçon de bonnes mœurs de gouvernance d\’Etat que vous passez aux Africains et au monde entier. Qui dit mieux!
Vous êtes un très grand président démocrate aux yeux des occidentaux, peut-être! Mais pour les Africains, ils souhaitent vivement que vous commencez par être démocrate et attaché aux droits de l\’homme dans votre propre pays.
Président Talon, pour tout le respect que je dois au fauteuil présidentiel en tant qu\’instititutionnaliste de réformes publiques, je puis dire que votre plus grand défaut c\’est que vous ne savez pas écouter votre peuple et vous ne pouvez plus changer d\’attitude et d\’altitude parce que vous détestez en fait les Béninois et vous ne regardez que vos intérêts personnels.
Sinon, comment un chef d\’Etat face à des autorités religieuses, j\’entends le clergé béninois, peut sans la moindre gêne dire qu\’il va compromettre la paix pour un temps ?
Chez les Fons d\’Abomey un tel propos est qualifié de NOUVENOU, et dans la hiérarchie des interdictions, c\’est une parole qui dégrade la sacralité de ce qui est interdit dans la parole en public. Compromettre c\’est fermer toutes les issues possibles de recherche de compromis. Et pour construire le compromis, il faut dialoguer avec ceux qui ne trouvent pas leurs intérêts dans ce que vous pensez, vous dites et vous faites. Qui refuse le compromis est dans l\’abus de posture. Voilà le principe basique de la staséologie et de la stabilité d\’un Etat. Ce sont de petites règles qui nous échappent dans la réalité de la vie quotidienne quand nous sommes sur le piédestal du pouvoir à différents niveaux.
Compromettre la paix et la compromettre effectivement n\’est pas qu\’un discours guerrier en situation de paix relative mais une volonté manifeste de détruire tous ceux qui ne seraient pas alignés sur votre seule volonté parce que pour vous, la volonté du peuple ne compte pas tant que vous êtes président du Bénin.
Pour être précis, le président Talon est plus puissant que le peuple béninois et plus fort que toutes les institutions. Pour autant, est-ce que vous pouvez exporter cette recette dans la sous-région ? Le président Talon est rentré dans une guerre des souverainetés des peuples souverains.
Pourra-t-il lui même être véritablement ce chef de guerre contre la souveraineté d\’un autre peuple que personne ne cherche à écouter pour l\’entendre.
Comment des chefs d\’Etat qui n\’ont pas l\’habitude d\’écouter leur propre peuple peuvent-ils se surpasser pour écouter un peuple qu\’ils ne gouvernent pas directement ?
Le président Talon a-t-il de bons vrais conseillers en analyse stratégique et systémique puisque c\’est le fondement méthodologique de la géopolitique?
Peut-être que ces conseillers font leurs boulots consciencieusement, mais le président Talon choisit la voie contraire en raison d\’autres enjeux géopolitiques que le président ne partage pas avec ses conseillers. Et comme souvent, les chefs d\’Etat africains écoutent mieux les positions des conseillers occultes que des conseillers formellement établis.
Un paramètre qui détermine la façon de réagir d\’un chef d\’Etat africain : n\’oubliez pas que chaque décision importante d\’un chef d\’Etat africain tient compte du devenir de ce dernier après le pouvoir selon deux options : vivre dans son propre pays sans être inquiété avec une fonction sociale consultative ou vivre en exil dans un pays étranger dont il garantissait les intérêts dans les marchés publics.
Mais le cas de Blaise Compaoré montre bien que l\’exil n\’est pas autorisé en France et qu\’il est resté en Côte d\’Ivoire, un pays dont le chef d\’Etat est un ami inconditionnel et incontournable de la France dans la sous-région.
Nous avons ainsi des présidents africains qui n\’ont pas rejoint la terre de leurs Ancêtres comme Haïdjo du Cameroun, Mobutu de la RDC, Habré du Tchad, etc. Je ne souhaite à aucun chef d\’Etat africain ce triste sort.
Malgré cet effort de triangulation historique des faits, nous ne sommes ni écoutés, ni compris. Nous dénonçons ici ce mépris pour nos contributions citoyennes et cela nous révolte.
La définition livresque des politologues et des juristes du mot démocratie est trop superficielle pour nous convaincre. En le disant, je bouscule quelques certitudes des papiers bavards.
1/ Comment peut-on être démocrate et en même un dictateur assumé. Oui, on nous dira aussi que ça s\’appelle démocrature, mais je n\’écris pas au président de mon pays pour faire la guerre des mots mais la bataille des sens et des fonctions. *Oui, je questionne les méthodes et les outils qui déterminent l\’usage des mots*.
Nous avions en 2017 tout fait avec certains compatriotes (Todjinou, Lawani, Assah, Tomety) pour promouvoir la paix par le dialogue afin de renforcer la cohésion nationale pour que le mandat du président Talon soit innovant en matière de démocratie, de droit de l\’homme, de sacrifice proportionnel et d\’humanisme. Furent approchés tous les présidents d\’institutions et deux membres du gouvernement dont monsieur Joseph Djogbenou, ministre de la justice. Ils ont tous apprécié la démarche d\’un dialogue national mais aucun d\’eux, je répète aucun d\’eux n\’a le courage d\’oser discuter de notre projet d\’offre de paix avec le président Talon. C\’est cette lâcheté intellectuelle et cet opportunisme carriériste qui m\’attristent. Le président Talon est quelque part aussi l\’otage d\’un grand nombre d\’hypocrites qui sont faussement dans l\’éloge des contraires.
De la base au sommet, l\’agent ou le citoyen ne peut pas dire à son sous-chef qu\’il n\’est pas de son avis, le sous-chef face au chef fait exactement la même chose et le chef face au grand chef, c\’est le summum de la lâcheté.
Les chaînes décisionnelles dans tous les pays africains sont dominés par des jeux de pouvoirs et des trafics d\’influences. Alors des gens compétents finissent par devenir incompétents non seulement sur le plan technique mais aussi éthique. Voilà pourquoi nos Etats sont tous des États fragiles parce que la science et la sagesse sont bafouées.
Nous avions donc à l\’époque fait le tour des institutions et solliciter le soutien de monsieur Gbian, président du conseil économique et social pour parrainer le portage de ce dossier d\’offre de paix. Nous avions tenu deux rencontres avec lui. Mais le système gouvernemental a botté en touche notre initiative.
Ce qui est curieux et la limite d\’une bizarrerie institutionnelle, le gouvernement a organisé un dialogue entre les politiciens qui accompagnent le chef de l\’Etat. Ils ont appelé ce match amical dialogue politique qui fut animé par deux de vos proches du pouvoir et je nomme messieurs Victor Tokpanou devenu député et Dorothé Sossa, lui aussi hissé comme président de la cour constitutionnelle.
Ce fut un faux dialogue car il ne répond à aucun standard en staséologie. Vous avez toujours refusé de dialoguer avec l\’opposition politique et même la société civile.
Le président Talon n\’est pas un homme des rapports de flux, il n\’aime que les rapports de force et ne se prive d\’aucune permission que lui offre les forces de défense et de sécurité ainsi que l\’appareil judiciaire pour brimer, violenter et humilier. C\’est sa conception du pouvoir d\’État.
Tout Béninois honnête peut confirmer ce profil que je décris avec la plus grande sincérité mais aussi avec une grande tristesse. Oui, c\’est le président dont le mode opératoire m\’a toujours interpellé, un peu comme si le président Talon me parlait tous les jours, surtout me détestait à l\’infini. Je ne demande pas au président autre chose que de me servir ma part de l\’intérêt général pour qu\’en échange je lui serve mon respect.
Monsieur le président, je ne vais jamais venir vers vous pour quémander ni poste, ni lettre de recommandation, ni pognon parce que mon éducation familiale et mon état d\’esprit ne m\’y autorisent guère. Il y a des intellectuels qui sont vos compatriotes et ne vous demandent rien en dehors d\’être juste envers votre peuple. Je fais partie de ceux-là.
Vous avez dit que vous savez que vous n\’êtes pas populaire. Être populaire ne fait pas la démocratie car on peut être populaire par la pratique répétitive de la corruption et de l\’insémination structurelle de la peur aussi.
Ce qu\’on attend d\’un démocrate est la négation de la violence fût-elle légitime afin de laisser place à un leadership rassurant qui fait que le peuple est lié à son président par une relation de confiance.
2/ Puisque vous n\’avez jamais écouté votre peuple en dehors des campagnes électorales comment alors stimuler cette confiance?
Président Talon, il y a beaucoup de ceux qui vous accompagnent qui sont dans un jeu d\’hypocrisie parfaite dans le but d\’engranger des rentes durant vos deux mandats.
Si vous croyez que la confiance opportuniste de ceux-là remplace la confiance de votre peuple que vous piétinez sans gêne, sachez président Talon que ni les occidentaux ni vos amis nationaux et vos amis du club des chefs d\’Etat africains ne sont de vrais amis, du moins vos amitiés sont très intéressées et éphémères.
Beaucoup trompent à la suite du Général de Gaulle que les Etats n\’ont pas d\’amis, ils n\’ont que des intérêts. C\’est faux cette assertion car l\’amitié est aussi un intérêt avant de devenir un désintérêt quand chacun ne voit que ses intérêts égoïstes au mépris de ceux des autres. L\’intérêt doit être décent et seul le dialogue le permet et non le militarisme aveuglant.
Monsieur le président, quand tous vos amis de l\’extérieur vous auraient tourné le dos, c\’est inévitable, il ne vous restera que ce que vous avez semé dans le cœur et la conscience de votre peuple qui vous restera comme moyen d\’assurance-vie.
Monsieur Talon, réconciliez vous avec votre peuple et écoutez ce peuple sinon, demain, vous serez un homme seul. Aucune de vos réalisations physiques, aucune de vos belles œuvres ne compteront demain pour conter en bien ce que vous avez fait de bien pour votre pays.
Par moments, je soupçonne que seul le chef leader qui sait écouter ses conseillers et les bons services de renseignements peut être en capacité d\’écouter son peuple. Vous avez certains de vos collaborateurs qui sont en permanence dans l\’abus de langage depuis votre premier mandat avec l\’arrogance que je me dois de rappeler ici : où est le peuple dont ils parlent. Ah bon! Le peuple n\’existe que pour être un grenier de voix électorales. Que c\’est réduction ça! Il convient bien de canaliser certains griots car le comportement d\’un griot zélé peut amener un peuple à détester son premier dirigeant.
Je ne pouvais pas rester indifférent à la géopolitique régionale, notamment le jeu qui se joue dans les rapports entre dominateurs et peuples opprimés, institués depuis 600 ans entre l\’Afrique et l\’occident.
Je suis Africain et panafricaniste avant d\’être Béninois. Le destin du peuple béninois n\’est pas différent de celui du peuple nigérien et du reste des pays africains.
Je sais, par ailleurs, que les destins et les destinations des chefs d\’Etat africains sont aussi liés. Néanmoins, entre un ami et mon peuple, je ferai d\’abord et en permanence la volonté de mon peuple et de mon continent. Mais je ne peux pas et je ne dois pas sacrifier les intérêts de mon peuple pour satisfaire ceux des contrats secrets qui me lient à mes amis.
Nous préférons l\’amitié entre les peuples à l\’amitié entre les chefs d\’Etat.
Simon-Narcisse Tomety
Institutionnaliste de réformes publiques
Staséologue praticien
Expert international en analyse du profil sécuritaire territorial