Le collège B de l\’académie nationale des sciences, arts et lettres du Bénin (Ansalb) a initié une conférence sur le thème, \ »souveraineté économique\ ». Et c\’est l\’éminent professeur de l\’économie de l\’université d\’Abidjan, ancien ministre du budget et président honoraire de l\’Assemblée nationale de la Côte d\’Ivoire, monsieur Mamadou COULIBALY qui a décortiqué, décrypté, situé les responsabilités et relevé les avantages d\’aller vers une monnaie propre à chaque pays, à défaut d\’avoir une monnaie commune pour les États de la Communauté des États de l\’Afrique de l\’ouest (CEDEAO). C\’était ce mercredi 06 décembre 2023 à la salle rouge du palais des congrès de Cotonou.
\ »Le problème de la monnaie est un problème crucial. Et depuis un certains temps, nous assistons à des débats sur cette monnaie. Car, il y\’a des gens qui défendent cette monnaie et des antis\ », a planché l\’académicien Mansourou BACHIROU. \ »Pour l\’académie, c\’est d\’appeler les sachants dans le domaine pour nous éclairer sur tous les aspects concernant le franc Cfa. Le conférencier a pris le soin de décortiquer chaque ligne éditoriale. Il a également décrypté l\’indépendance du franc Cfa dans la perspective de son intégration à l\’Éco et tous les aspects ont été présentés\ », a-t-il ajouté.
\ »Il serait bien que les reports et reports s\’arrêtent. Que l\’on s\’assaye pour écrire très explicitement un traité de l\’union monétaire de la CEDEAO qui va préciser quels sont les pays membres ? Quelles sont les conditions de cette union monétaire ? Quelles sont les banques centrales ? Et les banques créées autour de l\’union ? Quelle est la monnaie qui va être créer dont le nom est déjà connu qui est l\’Éco. On n\’a pas de traité explicite de création de l\’union monétaire de la CEDEAO, encore moins un statut clair de la banque centrale qui va créer l\’Éco. Et cela crée beaucoup de zizanie au sein de l\’union\ », a mentionné le professeur Mamadou COULIBALY.
Si les Etats de l\’espace de la Communauté des États de l\’Afrique de l\’ouest (CEDEAO) n\’ont toujours pas encore leurs monnaies communes, la France a bel et bien sa main dans cette affaire pour saboter. \ »La France continue toujours de manipuler le processus. Je prends l\’exemple de 2019, alors que les chefs d\’Etat de la CEDEAO étaient réunis et tombés d\’accord sur le nom de la monnaie, après un long processus. Ils avaient un calendrier de la mise en place de cette monnaie en 2020. Ce qu\’on a constaté, c\’est qu\’il y a une présomption de l\’Etat français sur l\’appellation (Éco) qui a été automatique désigné comme l\’appellation du nouveau franc Cfa, avec des conditions qui n\’ont rien à voir avec celle que les chefs d\’Etat avaient promis avec l\’Éco (la parité flexible, les réserves d\’échange gérées de façon libre, les pays membres d\’accord pour une organisation économique et une intensification du commerce entre eux). Tout cela a été torpillé et depuis 2019, ça va dans tous les sens\ », a-t-il précisé.
À la question de savoir si les choses peuvent être inversés, le professeur Mamadou COULIBALY pense que \ »bien sûr que les chefs d\’État ont les moyens de surmonter ces obstacles. C\’est eux que les peuples ont désigné comme souverains. C\’est à eux de donner des instructions, de mettre en place un comité d\’experts de la CEDEAO qui va rédiger les textes qu\’il faut. C\’est une décision politique et ce sont les premiers à décider. Je pense que l\’académie fait son travail scientifique, d\’éveil de conscience des autorités et des populations sur des questions cruciales telles que le développement, la santé et la sécurité. Elle a décidé de donner quelques pistes de réflexion et des inspirations aux gouvernants. Chacun fait son boulot\ », a-t-il détaillé.
En ce qui concerne la monnaie commune, le professeur répond en ces termes: \ »une monnaie commune, cela va d\’abord régler la question de la souveraineté monétaire. C\’est déjà très important. Même si vous êtes pauvres et que vous n\’avez pas de moyen, il y\’a quelque chose qui est cher à l\’humain, c\’est sa dignité. En d\’autres termes, être souverain, c\’est pouvoir décider dans sa pauvreté, ce qui est bon pour nous-mêmes, savoir avec qui négocier, comment on planifie l\’éducation des enfants, la santé des citoyens. C\’est déjà un acte souverain. Cependant, il faut sortir de la situation de l\’indigent qui est assis au coin de la rue, à qui les gens jettent les jetons et finissent par lui dicter comment il doit s\’habiller, ce qu\’il doit manger et ce qu\’il doit faire pour ses enfants. C\’est une situation humiliante\ », a-t-il fait savoir.
\ »Mon grand espoir, que très rapidement la perspective de création de cette monnaie commune dans la CEDEAO, reprenne le chemin. Ou par ricochet, que chaque pays crée sa propre monnaie, n\’est pas fatale. Car, à part les 15 pays francophones de l\’ouest et du centre, l\’Afrique, c\’est 54 pays. Et tous les autres ont leurs monnaies propres. Néanmoins, ils ne sont pas plus misérables. D\’ailleurs, de plus en plus, les gens prennent exemple sur la Tunisie en ce qui concerne les infrastructures sanitaires et sur le Maroc sur l\’investissement à l\’étranger. Pourtant, ces 02 pays étaient de la zone Franc et qui sont sortis. C\’est eux, qui sont pris comme modèle aujourd\’hui. Même la BECEAO cite l\’Afrique du Sud comme modèle, qui a des investissements directs à l\’étranger. Ce que nos États qui utilisent le Franc Cfa n\’ont pas. Alors, si ces pays hors Cfa sont des modèles, pourquoi ne pas essayer de créer nos propres monnaies, à défaut de créer une fédération avec l\’Éco comme monnaie\ », a-t-il conclu.
Alain Kolawolé ALAFAÏ