1- Les coups d\’Etat économiques
Les coups d\’Etat économiques par l\’échec en série des réformes publiques imposées à partir de 1988/1989 par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire Mondial, puis renforcées par la conférence de Baule en juin 1990 qui a prescrit la démocratie comme conditions d\’éligibilité à l\’aide au développement. Le bilan de ces réformes néolibérales est catastrophique avec la privatisation des secteurs vitaux de l\’économie nationale, la libéralisation des secteurs sociaux, la déstructuration de l\’administration publique avec des départs volontaires et téléguidés ainsi que le gel des recrutements alors que depuis une vingtaine d\’années des dizaines de milliers de jeunes bien formés sont sans opportunités d\’emplois. *L\’Afrique n\’a pas d\’administration de développement mais une administration de corruption et de balbutiements de la décentralisation*. Les engagements internationaux manquent de sérieux. Il existe dans chaque pays africains *des cimetières des OMD, des DSRP, des déclarations de Paris et de Busan sur l\’efficacité de l\’aide et du développement puis les ODD qui sont agonisants*.
Les régimes politiques néolibéraux étant affairistes d\’essence n\’arrivent pas à traiter les urgences nationales pendant que les populations sont fiscalement saignées sans arrêt, ce qui aggrave la pauvreté et le basculement dans l\’insécurité. Partout, la préférence va aux grands travaux publics de portée structurante et c\’est là le vivier de la corruption et des surfacturations alors que chaque milliard de Fcfa volés c\’est des dizaines de modules de classe et moins de délinquants perturbateurs de la quiétude des populations et de la stabilité de l\’Etat. *Le coup d\’Etat économique est le plus grand obstacle à la planification de l\’autodétermination* qui est la seule voie pour conquérir l\’indépendance systémique préalable à une réelle souveraineté.
Pour y arriver, l\’Afrique a besoin d’hommes d\’affaires qui s\’occupent patriotiquement de leurs business afin de laisser les acteurs politiques s\’occuper de la politique. Les relations incestueuse entre le monde des affaires et le milieu politique est un frein à la moralisation de vie publique et la justice sociale. L\’économie politique n\’est pas au service de la sécurité humaine et en faveur des pauvres. Elle est dévoyée.
2/ Les coups d\’Etat administratifs
Être candidat à la candidature c\’est subir ou être auteur d\’un coup d\’Etat administratif. Cette perversion de l\’administration publique vient de la politisation outrancière de toute la chaîne décisionnelle de l\’Etat. Ainsi, *l\’administration de l\’état civil et l\’administration fiscale sont instruites pour multiplier les obstacles à l\’établissement des formalités* pour être en règle vis-à-vis de la loi. Les pièges d\’élimination de certains candidats dérangeants pour leur notoriété finiront par les écarter de la course au pouvoir. Certains qui sont sur le trône et qui rempilent fabriquent leurs propres opposants avec un maquillage de leurs sources de financement mais personne ne leur reprochera le crime de blanchiment de capitaux. Au même moment, certains candidats valeureux seront victimes d\’un ostracisme politique et subiront des jugements judiciaires expéditifs lourds avec de faux témoignages pour être condamnés pour crimes de terrorisme ou de blanchiment de capitaux. Ces candidats exclus de la compétition électorale écoperont de très lourdes peines; ils seront jetés en prison avec une torture psychologique des plus inhumaines.
3/ Les Coups d\’Etat mystiques
L\’Afrique a cette particularité que la conquête du pouvoir d\’État commence toujours par un coup d\’Etat mystique. *On retrouve le même phénomène dans les mouvements de rébellion sur le continent comme en Côte d\’Ivoire et en Centrafrique par exemple où le mysticisme est déterminant pour toutes les batailles jusqu\’à la victoire.
Plusieurs travaux anthropologiques ont mis en évidence le recours incontournable aux pouvoirs occultes maquillés dans un syncrétisme religieux dans le processus de conquête, de conservation et d\’instauration des régimes de dictature sur le continent.
*Nicolas Machiavel n\’avait pas prévu le recours au magico-religieux et magico-politique dans son mémorable ouvrage \ »Le Prince\ » qui sert de bréviaire à ceux qui ont une addiction charnelle au pouvoir d\’État.*
4/ Les Coups d\’Etat médicaux
Le coup d\’Etat médical perpétré avec succès par l\’équipe d\’experts chargée de l\’exploration de l\’état de santé physique et mentale qui ont la responsabilité de déclarer un candidat bien portant et sans facteurs susceptibles de perturber l\’exerce de la plus haute fonction de l\’Etat.
Mais, quand la compromission tient cette équipe médicale, la déontologie n\’est plus un référentiel éthique et le serment d\’Hippocrate peut être hypocritement contourné. Les corrompus sans compétences morales et éthiques préfèrent être fidèles à un individu, fût-il un candidat éclopé à sa propre succession, plutôt que d\’être loyaux envers la république.
5/ Les coups d\’Etat constitutionnels
Le coups d\’Etat constitutionnel opéré sciemment et scientifiquement par les membres de la cour constitutionnelle, un haut lieu où la sagesse a déserté le couvent, et la constitution est lue en travers pour transformer inéligible et l\’invalide en éligible puis élu comme au Gabon. La magouille est un virus très présent dans le temple faussement sage où l\’analyse de la constitutionnalité est sous l\’emprise et la remorque du pouvoir exécutif. La séparation des pouvoirs est une vue de l\’esprit. *Se pose un sérieux problème d\’éthique du fait du mode de désignation fortement politisée des membres* de la cour constitutionnelle.
6/ Les Coups d\’Etat militaires
Les forces de défense et de sécurité viennent parachever le déclin de la noblesse du pouvoir d\’État quand les abus de fonction deviennent insupportables et les injustices sociales portées par un régime politique devient un tas d\’ordures à dégager. Alors intervient un *coup d\’Etat militaire* non pas que leurs auteurs incarnent tous l\’intérêt général et la défense de la patrie, mais quand le trop plein devient insupportable, il faut arrêter la saignée de la dictature d\’accaparement vaniteux et la fragilisation de la cohésion sociale.
7/ Les coups d\’Etat populaires
Un coup d\’Etat ne peut réussir et prospérer aujourd\’hui sans un coup d\’Etat populaire découlant du principe Armées-Nation. Les populations prennent d\’assaut et occupent les places publiques jusqu\’à la stabilisation du régime issu d\’un coup d\’Etat militaire. Cette allégeance du peuple légitime le régime militaro-civil et met fin à l\’appellation \ »junte militaire\ ». Si le nouveau régime continue d\’inspirer confiance dans l\’opinion publique nationale, toute tentative de déstabilisation venant de l\’intérieur et/ou de l\’extérieur déclenche dès la moindre alerte un retour massif de la population dans les rues pour défendre son régime ses revendications d\’autodetermination.
8/ Les coups d\’Etat télécommandés
La géopolitique internationale et la mondialisation de l\’Afrique stimulent une ruée sur la mère de l\’humanité par l\’attrait que suscitent les ressources de ses sols et sous-sols. C\’est plus difficile pour certains pays occidentaux d\’avoir leurs pré-carrés aujourd\’hui pour poursuivre leurs propres efforts d\’industrialisation en confinant l\’Afrique dans la production et l\’exportation de produits du cru sans aucun effort significatif de domestication des chaînes de valeur afin d\’accroître l\’employabilité de la jeunesse. Les Etats dans lesquels les peuples sont fiers de leurs traditions et rebelles en revendications font l\’objet de *coups d\’Etat télécommandés* avec le recours à des rébellions, des mercenariats, du terrorisme ou à des organisations sous-regionales. La Burkina Faso de Thomas Sankara qui a valu son assasinat, la Côte d\’Ivoire de Gbagbo, le Bénin de Kerekou sous la révolution le 16 janvier 1977, la Libye de Kadhafi qui lui a coûté la vie, etc.
Sans une approche holistique des coups d\’Etat, nous allons indexer et condamner sans arrêt, et peut-être à tort, les coups d\’Etat militaires qui ne sont que la face visible de l\’iceberg.
Aucun développement humain durable et aucun vivre-ensemble ne sont possibles dans aucun pays africain si les huit types de coups d\’Etat ne font pas l\’objet d\’une prise en compte dans les politiques publiques afin d\’atténuer la probabilité de leur survenance. Il s\’ensuit la mise en place (i) d\’un important programme national d\’éducation à la citoyenneté, (ii) d\’une volonté politique forte pour territorialiser toutes les politiques publiques avec le l\’organisation du contrôle citoyen à tous les niveaux et (iii) d\’une publication de la grille des salaires politiques.
Simon-Narcisse Tomety
