Le terrorisme prospère dans les espaces privés de démocratie et de décentralisation
Si aucun espace de dialogue n\’existe dans votre terroir au nom de la république pour vous aider à évacuer vos frustrations et désespérances par l\’écoute active, c\’est que le pouvoir d\’État pousse chaque jeune à se transformer en un explosif ambulant pour semer la terreur en se vengeant contre lui-même, la communauté, l\’État et l\’Éternel.
Le terrorisme c\’est du satanisme banalisé et propagé dans un territoire fertile qui le fait pousser, fleurir et fructifier avec un enracinement profond. Il résiste à tous les climats, supporte les isohyètes de toutes les topographie, que le milieu soit humide, sec ou désertique, froid, chaud et même caniculaire. Il ne se développe que dans les pays où la dignité humaine est bafouée par l\’abus de pouvoir, l\’abus d\’autorité et l\’abus de biens sociaux et qui fonctionne aussi comme une plaque tournante des stupéfiants.
Il n\’existe pas de terrorisme sans consommation de drogues. Si vous ne réussissez pas à combattre les trafics de stupéfiants, c\’est que votre lutte antiterroriste est vouée à l\’échec. C\’est pourquoi la lutte contre le terrorisme qui se transforme en combat entre des forces visibles et facilement identifiables et des forces invisibles et difficilement identifiables n\’est jamais gagnée d\’avance. Le terrorisme est comme une herbe sauvage qui finit toujours par repousser.
C\’est pourquoi la centralisation à outrance du pouvoir d\’État, dans son processus politique et social, crée un environnement fonctionnel tueur de la démocratie locale et des libertés fondamentales. Mais chez les néolibéraux comme le régime hyper concentrationnaire qui règne sur le Bénin, la décentralisation c\’est du BTP, l\’argent public, les marchés publics, la comptabilité publique, des maires voleurs de l\’argent public. C\’est trop réducteur et bizarre comme approche conceptuelle et opérationnelle de la décentralisation. Quartier latin de l\’Afrique néolibéral!
Il faut être très passable comme un dernier de sa classe en analyse stratégique du territoire et en géopolitique pour utiliser les pratiques néolibérales et de clientélisme pour tuer la démocratie et la décentralisation. Lorsque le pouvoir de l\’argent supplante le pouvoir politique local, il fait naître des terroristes. Et plus un pouvoir d\’État est violent envers les populations, plus l\’extrémisme violent se renforce chez les jeunes.
Nous saluons certains chefs d\’État africains qui savent ce que recouvre le terrorisme et font le choix de dialoguer avec ces derniers dans une nouvelle stratégie civilo-militaire de coproduction de la paix. Ces chefs d\’État ont notre admiration.
Si le terrorisme bourgeonne comme un cancer en Afrique de l\’ouest, c\’est parce que les réformateurs néolibéraux des Etats côtiers n\’ont encore assimilé le lien de causes à effets entre le terrorisme, la démocratie et la décentralisation.
Un pays comme le Bénin s\’amuse avec sa réforme territoriale fantaisiste et sa fausse stratégie de fidélisation de la clientèle électorale. Il doit revoir sa copie avec plus de lucidité et d\’humilité.
Ce n\’est pas en nommant des sous-préfets avec appellations maquillées et en dépossédant les élus locaux de leurs prérogatives d\’acteurs politiques, de médiateurs sociaux et d\’animateurs des dynamiques locales qu\’on prévient et gère les frustrations locales souvent liés à la misère grandissante des peuples, notamment au niveau de la jeunesse.
Ce n\’est pas en présidentialisant et recentralisant astucieusement la décentralisation et en dépouillant les élus de leurs pouvoirs locaux qu\’on fait reculer le terrorisme.
Le régime du président Talon a une conception bureaucratique et opportuniste de la décentralisation, ce qui le conduit à n\’appréhender qu\’une approche guerrière du terrorisme une stratégie de fidélisation de la clientèle électorale au nom d\’une logique d\’errance qui dit : \ » après nous, c\’est toujours nous\ ». Et c\’est là que le Benin sombrera durablement si la démocratie et la décentralisation ne sont pas rétablies dans leur cours historique dans un meilleur délai.
Pour avoir dirigé l\’élaboration de la politique nationale des espaces frontaliers du Bénin et conçu le guide d\’élaboration des plans de sécurité sous maîtrise d\’ouvrage communale, c\’était pour prévenir ou contrôler, voire circonscrire le terrorisme au Bénin.
Lorsque vous pratiquez vous-mêmes l\’autoritarisme à outrance, le terrorisme d\’Etat finit par cohabiter avec le terrorisme des groupes radicalisés. C\’est le cas particulier du Bénin. Les terroristes sont les enfants du pays et des pays frères. Il vient rarement d\’ailleurs. Ils ont l\’avantage souvent de mieux connaître la socioculture des territoires que ceux qui sont formellement investis pour le protéger et le défendre.
Un exemple simple c\’est que chasseur connaît mieux la forêt que le forestier, le gendarme, le policier, le militaire et le préfet. Un vrai élu local connaît mieux son territoire et le mode de vie des habitants que quiconque. Le gouvernement du Bénin a trop de lacunes concernant l\’approche territoriale du développement. Un jour, le bilan de la réalité sera dressé sans complaisance et les langues vont se délier de la peur du chef et du mensonge pour révéler la vraie vérité des choses. Nous qui avons eu la chance de vivre à grande échelle la barbarie du terrorisme, nous ne pouvons pas nous taire. J\’aime autant mon pays que tous celles et ceux qui sont payés pour apprendre à aimer leur pays. Et cela doit être clair.
Comment voulez-vous que des Préfets ne soient pas astreints à un tableau de bord sur la gouvernance territoriale. Rares sont les conseils de village et d\’arrondissement qui fonctionnent dans les arrondissements frontaliers des pays voisins surtout du Burkina Faso et du Nigeria. Il faut revoir le rôle des préfets, ces derniers s\’embourbant dans la routine et se contentent bureaucratiquement des renseignements généraux qu\’ils ont du mal à trianguler.
Le Bénin doit revoir sa copie sur trois réformes avec une coordination basée sur des résultats de défis territoriaux :
1/ reforme de la décentralisation ;
2/ reforme du secteur de la sécurité incluant le système judiciaire. Nous avions suggéré l\’élaboration d\’un référentiel de mise aux normes de qualité de toutes les unités de sécurité publique dans le pays pour incarner l\’effectivité de la puissance publique dans sa dimension militaire et celle d\’une Police républicaine amie de la communauté.
Nous avions exposé avec une note méthodologique de 07 pages cette contribution lors des préparatifs de la fusion police et gendarmerie. Certains hauts gradés sont encore en activité et peuvent témoigner. Mais, ils ne le feront pas parce que je gêne des intérêts de posture à travers mes écrits. Chacun joue son rôle et je joue le mien et bénévolement d\’ailleurs depuis des années. Mieux préserver la paix pour mieux prévenir la guerre;
3/ territorialisation du budget de l\’État et des corps de contrôle de l\’État
Un autre aspect très important de lutte contre le terrorisme c\’est de mettre fin l\’insémination malsaine de la peur avec comme préalables :
a/ la libération sans condition de tous les détenus politiques ;
b/ le retour sans condition avec une loi de Concorde nationale de tous les exilés politiques ;
c/ la relecture du code électoral avec les partis d\’opposition et la société civile ;
d/ une élection législative inclusive totalement transparente pour une désignation par un jeu démocratique libre et ouvert des représentants du peuple. Un vrai casse-tête et grand défi pour un régime habitué aux passages en force en tout;
e/ un sous-préfet appelé secrétaire exécutif de commune n\’est pas plus important qu\’un maire, un chef d\’arrondissement ou un chef de village ou de quartier.
Quel est le montant de la prime d\’un chef de village depuis que le président Talon est aux affaires ? Monsieur le président, la sécurité produit la paix et la sérénité du peuple avant que le développement ne soit possible. Vous avez fait inverser l\’ordre des choses du fait du néolibéral devenu la religion exogène imposée du moment. Votre réforme de la décentralisation est trop comptable et pas assez politique en assimilant tous les élus à des voleurs de l\’argent public. Mais que ceux qui n\’ont jamais volé les deniers publics lèvent alors leurs doigts. Manque de pédagogie de réforme!
Ce sont là quelques éléments thérapeutiques pour la nouvelle lutte mobilisatrice contre le terrorisme.
Nul n\’est une île. Le terrorisme n\’a pas de frontières. Le Benin ne remplit pas encore les conditions d\’un sursaut collectif pour affronter ce fléau de notre époque.
Professeur Simon-Narcisse TOMETY