MA PERCEPTION SUR LA ZONE DE LIBRE ECHANGE CONTINENTALE (ZLECAf)
Le traité constitutif de la Zone de Libre Échange Continental Africaine (ZLECAf), soumis à la signature et ratification dès mars 2018, propose de créer une zone de libre-échange au sein de laquelle les pays s’entendent pour abaisser les barrières commerciales existantes entre eux.
L’objectif est d’aller, à terme, vers une entité continentale qui ressemblera à l’Union européenne actuelle, c’est-à-dire vers une zone de libre-échange, doublée d’un marché commun caractérisé par la libre circulation des investissements et des travailleurs, et d’une union douanière qui implique une politique commerciale commune à l’endroit des pays extérieurs à la zone. Si les négociations sont bien avancées sur la question de la libre circulation des facteurs de production, elles s’avèrent particulièrement difficiles pour la création d’une union douanière.
Cette difficulté est certainement due aux relations privilégiées que la plupart des pays africains entretiennent avec leurs partenaires européens et les nouveaux partenaires issus du monde émergeant, notamment la Chine et l’Inde. L’Union européenne, qui a servi de modèle aux Africains, est aussi partiellement une union économique, dotée d’une monnaie commune.
L’objectif avoué des pères fondateurs de la Zlecaf est de donner un coup de fouet au commerce intra-africain qui stagne à 15% contre environ 47% en Amérique, 61% en Asie et 67% en Europe.
Cette situation de faiblesse des échanges intracommunautaire africain est un legs de l’époque coloniale. Les axes commerciaux dont les pays africains indépendants ont hérité reposent sur les routes développées d’une part pour acheminer vers les côtes les matières premières exportées à destination des métropoles impériales, et pour transporter d’autre part des produits manufacturés importés, plutôt que pour permettre le négoce à l’intérieur du continent.
Depuis, les africains n’ont jamais réussi à changer leur positionnement dans le commerce international : le continent est resté un grand pourvoyeur de matières premières pour les pays industrialisés, et aujourd’hui, pour les pays émergents comme la Chine.
Rien n’illustre mieux cette situation que l’état catastrophique des infrastructures routières à l’intérieur des pays. Les seules routes praticables sont celles qui sont orientées vers les ports. Il n’est donc pas étonnant que cela coûte moins cher aux marchands ghanéens de faire venir des machines à laver de Shanghai que du Nigeria, pourtant beaucoup plus proche géographiquement.
Tout le monde est unanime sur le fait que la Zlecaf va faciliter le commerce intra-africain qui pourrait rapporter à l’Afrique 16,1 milliards de revenus supplémentaires.
Les économies africaines sont très hétérogènes, avec trois pays, l’Égypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud, représentant, à eux seuls, 50% du PIB cumulé de l’Afrique, alors que les six États insulaires du continent en représentent tout juste 1%.
Dans ce contexte, c’est illusoire de penser que la mise en place de la Zlecaf pourrait favoriser rapidement la création des industries diversifiées afin que ces derniers pays puissent bénéficier de la libéralisation commerciale.
Pour atteindre le résultat escompté de la Zlecaf, il faut d’abord penser à l’industrialisation, le développement des infrastructures routières, ferroviaires ou maritimes, etc.
Historiquement, la zone de libre-échange, c’est toujours le plus fort, le plus puissant qui en est demandeur et sa mise en place se fait au détriment de l’industrialisation du plus faible. Celui qui parle le mieux de l’aspect négatif du système de libre-échange, c’est l’économiste allemand Friedrich List. Il défendait ce qu’il appelait le « protectionnisme éducateur » afin de protéger les industries naissantes, sans considérer le protectionnisme comme un état permanent mais comme une condition favorisant à long terme le libre-échange.
D’ailleurs, l’histoire nous montre que les pays qui se sont industrialisés partant d’un niveau de pays en voie de développement, se sont tous fortement protégés. La Chine, le Japon, l’Inde…
Ce sont les grandes économies du continent qui sont susceptibles de tirer leur épingle du jeu. Ce qui explique pourquoi l’Afrique du Sud a joué un rôle moteur dans le processus de mise en place de la Zlecaf. Comparables aux entreprises occidentales en général s\’agissant de sophistication et approche, les entreprises sud-africaines comptent pour grosso modo 50% des investissements industriels en Afrique, mais un patchwork de réglementations commerciales et de tarifs douaniers rendait le business coûteux, entraînant une perte de temps.
Le Nigeria, qui a tergiversé avant d’annoncer sa décision de signer l’accord, est le contre-exemple. L’explication de ce ralliement tardif est à chercher dans la position influente des syndicats nigérians qui ont qualifié la Zlecaf d’initiative politique néolibérale radioactive » susceptible de conduire à « une ingérence débridée jamais vue dans l’histoire du pays ».
Néanmoins, depuis Depuis le premier janvier 2021, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) est opérationnelle
Comment maximiser les avantages de la zone de Libre Echange Continentale pour les pays de la CEDEAO ?
ABDOULAYE BIO Soumaïla
Statisticien_Économiste