Pourquoi les préfets et les gouverneurs ne sont plus performants?
Vous venez d\’être nommés à un poste non plus de commandement territorial mais de management public de territoire. Vous n\’avez pas à jouer aux zélés en fonçant tête baissée dans vos fonctions. Vous allez perdre toute crédibilité car vous allez vite étaler vos limites en stratégie de gouvernance territoriale. D\’abord un vrai manageur n\’est pas une personne agitée qui a la prétention d\’avoir des réponses à tout.
Le territoire est l\’espace de convergence de toutes les politiques publiques et tous les secteurs. C\’est un espace de toutes les initiatives privées licites et illicites. Le préfet ou le gouverneur doit prendre un peu de temps pour apprendre l\’histoire, la géographie, les peuplements, les dynamiques sociales et la vie économique. Il doit apprendre aussi de la disponibilité et de la qualité de l\’offre publique dans chaque secteur de l\’administration civile et de l\’administration armée. Il doit faire des visites d\’observation pour comprendre le fonctionnement diurne et le fonctionnement nocturne de la circonscription territoriale dont il a la charge. Il doit enfin évaluer le système de renseignement territorial lui permettant d\’observer le principe managérial suivant : rien de ce qui se passe dans le territoire ne doit être étranger au manageur territorial.
Enfin, il évalue la déconcentration budgétaire à travers l\’analyse diachronique des crédits délégués sur au moins une période de 5 ans ainsi que l\’état des effectifs dans chaque secteur du territoire. Il demande à chaque secteur de mettre à sa disposition selon les normes admises les ratios de personnels notamment dans les secteurs de l\’éducation, de la santé, de l\’urbanisme, de l\’hydraulique, de l\’agriculture, de l\’élevage, de la pêche, de la protection civile et de la sécurité publique.
Si un préfet ou un gouverneur ne suit pas cette démarche préalable, il ne pourra jamais être un manageur. Il va s\’embourber dans la gestion des urgences et des conflits comme nous le constatons dans la plupart des pays francophones visités.
Alors à la prise de fonction d\’un préfet, quelle démarche basique il doit adopter dans une gouvernance territoriale? Ces points sont abordés avec les étudiants en master 2 de l\’Enam au Bénin à qui nous avons délivré un enseignement sur la réforme de l\’administration territoriale. L\’enjeu ici est de passer du commandement territorial au management public de territoire.
Conseils pratiques :
1/ prendre connaissance des dossiers en instance
2/ faire une rencontre avec chaque corps constitué et chaque administration civile et en arme pour écouter les missions, les fonctions, les plans de travail, les moyens et les performances
3/ visiter les quartiers avec chaque maire et donner la parole aux chefs de quartier ou de village pour décliner l\’offre de services du conseil de quartier, les problèmes et les facteurs de vulnérabilité ainsi que la stratégie de sécurisation du quartier et les différents outils de gestion communautaire utilisés à travers une analyse SWOT
4/ le préfet étudie les textes sur la décentralisation, la déconcentration et l\’aménagement en vue de cerner les substances, les contours de sa mission pour comprendre les permissions, les restrictions et les interdictions de sa fonction afin de limiter le champ d\’action permettant d\’être en synergie avec le maire et non en rivalité. En modélisation institutionnelle, ça s\’appelle la détermination du périmètre de compétences.
5/ sur la base des leçons apprises, le prefet se dote d\’un plan d\’actions qui fixe des objectifs, des résultats, des activités avec détermination des indicateurs d\’activités (output) et des indicateurs de résultats (outcome) permettant de mettre de la transparence dans les initiatives préfectorales. Ainsi, toute l\’équipe préfectorale obéit à un cadre de rendement et de responsabilité au niveau de chaque service.
6/ le plan préfectoral impute des indicateurs spécifiques territoriaux au préfet qui sont attachés à sa fonction pour mesurer son leadership, sa capacité d\’impulsion, de coordination et de contrôle.
7/ le préfet met en place un mécanisme de contrôle citoyen permettant de dialoguer avec la société civile dans chaque secteur structurant du territoire.
8/ une fois par trimestre, le préfet évalue avec les parties prenantes les performances de la préfecture
9/ la diffusion des résultats de la performance trimestrielle
10/ la production d\’un rapport annuel de performances.
Le préfet moderne n\’est pas un commandant de cercle mais un préfet de développement assis sur des indicateurs constituant son tableau de bord.
Allez demander aux préfets s\’ils disposent d\’un tableau de bord de la gouvernance territoriale? Non! Ils gèrent des ordres de type top down et des urgences.
Si un préfet ne fait pas cette démarche en 10 points, c\’est alors un préfet politicien et agité qui n\’a rien compris du management public de territoire.
Le préfet qui choisit d\’être plus politicien que manageur territorial, je lui prédis un échec cuisant de sa mission.
Bonne chance aux nouveaux préfets et gouverneurs déjà promus ou qui seront nommés.
Professeur Simon-Narcisse TOMETY