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Le paradoxe africain des nominations avec des actes jubilatoires sans combats: « à qui profite ce crime de l’impertinence au 21è siècle ? », une réflexion du professeur Tomety

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Si un esprit n’a pas de prédispositions pour la corruption, la personne qui reçoit une promotion en vue de servir avec loyauté son peuple ne cherchera nullement à plaire, à tout prix, à son chef bienfaiteur. Je ne sers pas un chef, je suis au service de mon peuple et de mon pays, tel est le leitmotiv de l’agent public consciencieux. L’agent public qui n’a pas intégré cette logique administrative dans la gouvernance publique, il faut vite l’éloigner de la gestion de la chose publique avant qu’il ne soit trop tard. Respectez le chef, aimez le travail bien fait en équipe et servez la patrie, le peuple vous sera reconnaissant. C’est largement suffisant et c’est qu’il faut enseigner dans toutes les grandes écoles où sont formés les hauts dirigeants d’un pays.

Des gens nommés aux fonctions de ministres-conseillers sont félicités à longueur de journée, d’autres n’ont pas eu de succès, leurs personnalités n’accrochant pas, certains de leurs laudateurs passent à l’offensive pour étaler à leurs places les diplômes obtenus avec une survalorisation des talents sans pouvoir mettre en exergue les expertises réalisées et reconnues en lien avec ces parchemins qui ne sont pas des chemins mais juste des cartons qui attendent toujours ce qu’ils valent en expertises. Un ministre-conseiller est un expert à valeur ajoutée donc quelqu’un qui a du métier et pas que le discours mirobolant dans un palais présidentiel. Tout institutionnaliste sait que derrière tout ce qui est formalisé dans les textes, il y a ce qui relève de l’informel et de l’impudique qu’on n’étale pas mais qui fait partie des charges non écrites. Voilà comment les stratégies de contournement fonctionnent comme des reptiles dans le jardin de ce qu’on appelle Etat de droit dont l’état de droiture reste une valeur loin d’être partagée.

Pourquoi dois-je remercier un chef d’Etat de m’avoir nommé à une charge dont je ne connais même pas encore le poids en termes de périmètre d’intervention, de complexité de la mission et de jeux d’acteurs? Tout paraît facile dès lors que la fête commence sans le job. C’est le pas que je ne franchirai jamais, mais alors jamais. Le Président Talon a dit lui-même que les gens qui ont du talent ne s’affaissent pas pour jouer aux clowns. Même si j’ai peu de talents, je dois honorer cette culture institutionnelle de ce chef d’Etat en lui prouvant que même s’il me nommait aux fonctions de ministre d’Etat, je ne lui dirai pas merci. En revanche, je demanderais le paquetage avec des armes et munitions pour aller au front me battre pour la Patrie. J’ai honte de la honte lorsqu’il faut remercier un chef d’Etat pour une nomination. Un chef d’Etat n’a pas son temps à perdre avec cette plaisanterie déplacée.

Toute nomination appelle une nouvelle spiritualité à l’ouvrage, gagner ou perdre, réussir ou échouer. Le défi est alors grand et il faut être un naïf pour le sous-estimer. Il vaut mieux ancrer dans cette spiritualité du combattant trois valeur à encrer : la peur de ne pas être à la hauteur, l’humilité avec le cœur apprenant et la compétence technique car toute charge déteste la routine pour s’alimenter d’innovations. Alors, on se donne rendez-vous à l’heure de la reddition de compte. Mon salut c’est quand le chef de l’Etat m’aura dit : monsieur ou madame, je ne regrette pas de vous avoir nommé. Je suis fier de vous. Une nomination est un rituel systémique dont les comptes ne sont soldés qu’à chaque bilan. Je me souviens de cette lettre de remerciements puis d’une seconde de félicitations qu’un ambassadeur européen m’a délivrées alors qu’à mon recrutement il doutait de mes capacités en voyant mon physique peu impressionnant en 2008. Il faut prouver ce dont on est capable et honnêtement.

Il y a des gens à qui tout le monde doit tout, et eux ne doivent rien à personne. Les Africains sont les seuls à cultiver des absurdités institutionnelles ataviques chaque fois qu’ils sont promus à une fonction, oubliant que nous sommes au 21è siècle et qu’on n’est pas instruit pour se comporter moins que nos parents qui sont restés au village sans instruction et sans jamais fouler la ville. J’en ai dans ma famille.

Toute nomination dans une fonction publique se mérite comme un acte de missionnaire devant revenir avec des résultats, sorte de butin de guerre, comme la preuve tangible de ses talents sus et cachés et ce, dans l’unique but d’un allègement de la charge de sa hiérarchie dans une chaîne décisionnelle.

Lorsque des gens sont nommés et considèrent qu’ils doivent leurs promotions à une relation entre un bienfaiteur distributeur de postes et un nécessiteux de poste, la nomination intègre les actes gratifiants et partant, la nomination s’assimile à du clientélisme, à de l’affairisme s’apparentant à de la corruption maquillée ou à la politisation outrancière des hautes fonctions de l’Etat. Les remerciements abîment le pouvoir discrétionnaire de nomination d’un chef de l’Etat. De l’ignorance des symboliques de puissance publique, je n’ai nul désir!

Dès lors, vos remerciements adressés à votre bienfaiteur traduisent un forcing pour vous rendre éligible à cette charge. Dans l’opinion publique donc celle qui fait ce que pense et dit le peuple souverain, on ne vous a nommé que parce qu’il faut vous faire un cadeau pour vous essuyer les larmes. Sous cet angle, celui qui nomme devient le persécuteur malgré lui et celui qui est nommé en est la victime. Seuls vos résultats vous sauveront. Voilà un cas pratique de l’utilisation du triangle de Karpman en analyse institutionnelle. Il y a beaucoup de gens qui sont bien nommés mais ils ont un fonctionnement de gens mal nommés considérant qu’ils ont une dette envers le chef de l’Etat. C’est absurdité est simplement désolante lorsqu’il s’agit des gens appelés à aider au fonctionnement de la chaîne décisionnelle d’un Etat.

C’est vrai que tout chef de l’Etat a un bilan à faire, et le bilan de chacun compte dans la mesure de la dynamique de changement comme celui du Bénin qui sera révélé en avril 2026 avant la grande passation de charges en mai de la même année après dix (10) rapports sur l’état de la nation. Un chef de l’Etat n’est que le manageur en chef de la cité et chacun doit garder dans sa spiritualité positive active (SPA) qu’il n’est pas en train de servir le chef de l’Etat mais le peuple souverain du pays. Si le peuple est satisfait, il sera fier du chef de l’Etat, mais un chef de l’Etat satisfait et un peuple insatisfait, il s’agit dans ce cas d’une autosatisfaction du chef de l’Etat et de son équipe d’accompagnement. Ce type de tendance est courant en Afrique. Il faut se méfier de ce déséquilibre car il couve des nuisances silencieuses avant la tempête. Le Peuple est Agban-non (propriétaire du patrimoine national), le chef de l’Etat est Agban-kponton (chef de sécurité du patrimoine national et manageur suprême) et toute personne nommée est Azo-gan (chef de d’équipe de travail à gestion axée sur l’efficacité impactante).

Le fait d’avoir confondu Agban-kponton avec Agbon-non (dépositaire d’une grande fortune avec un pouvoir d’influences qui peut soumettre tout le monde), le peuple est vassalisé, persécuté et soumis. Je n’oublierai jamais l’arrogance avec laquelle quelqu’un de la mouvance présidentielle disait au 2017 “où est le peuple dont on parle”? J’avais honte à la place de ce dernier, croyant qu’il maitrisait les fondamentaux de la modélisation institutionnelle. Probablement qu’il n’a jamais été dans une équipe de diagnostic institutionnel, organisationnel et fonctionnel dans le secteur public. Il est alors excusable car la meilleure des intelligences a aussi ses limites.

Autrement dit, qui sait qu’il possède des valeurs intrinsèques et des compétences managériales à la hauteur d’une charge publique ne descend jamais dans l’arène pour remercier, mais jamais alors. C’est de l’indécence institutionnelle et il faut arrêter avec ses enfantillages qu’on ne rencontre qu’en Afrique et rien qu’avec les Africains. Est-ce que les étrangers que le régime de la rupture entendus les Occidentaux et les Africains importés pour être nommés au Bénin avec des salaires assurés par le fruit du travail des Béninoises et Béninois donnent le même spectacle en public et dans les réseaux pour des exvotos réalisés ? Si vous avez l’occasion d’être avec le chef de l’Etat, remerciez-le mais jamais en public parce que le peuple n’a rien à cirer de vos nominations. On vous envoie au front pour gagner la guerre, et sans connaissance du terrain et sans avoir livré votre première bataille, vous faites déjà votre jubilé. C’est incroyable et à la limite, c’est indigne. J’avais cru qu’on avait fini avec cette folklorisation des nominations mais l’esprit de jouisseur du Béninois est un trait de caractère qui ne nous lâche pas. Que reproche-t-on au régime du président Yayi? Faisons preuve de maturité !

Ce texte est une modeste contribution intellectuelle à la compréhension de la symbolique des nominations dans le secteur public parce qu’il y a une différence entre savoir et croire savoir. L’auteur n’a ni une quelconque ambition ni une prétention de l’indifférence. J’assume !

Simon-Narcisse TOMETY

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