Le Bénin, un pays en panne de culture idéologique à la recherche d’une nouvelle voie pour le vivre-ensemble.
- « Mieux vaut laisser un idéal, une spiritualité, un sens de la vie à la postérité. Notre Président Thomas Sankara a été sauvagement assassiné, il n’a rien laissé ; mais aujourd’hui, son nom traverse toute la planète ; ça doit être un idéal pour nous. Si nous avons cet idéal-là, je suis sûr que nous pouvons aller très loin. » Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, Ancien premier ministre, du Burkina Faso
Sociogenèse de l’idéologie et luttes de classe.
Selon le lexique de science politique (2014 : 272), le terme ‘’idéologie’’ est forgée à la fin du XVIIIe siècle par le philosophe Destutt de Traçy pour nommer « la science des idées » par la production de pensées afin de faire tomber les mythes.
L’idéologie est devenue de nos jours le déterminant de tout système politique pour clarifier et classifier les tendances sociales qui caractérisent les politiciens comme serviteurs ou profiteurs de leurs peuples.
Ainsi, l’idéologie est le premier investissement dans le capital humain d’un pays qui choisit de se donner des repères pour le progrès de l’homme et de la société en traitant fondamentalement des idéaux d’un peuple pour la conquête de son mieux-être ; et quand un régime politique ne respecte pas cet engagement en politique, en gouvernance d’État et dans le système éducatif national, alors sont mis en danger un territoire, son État, son peuple et sa géopolitique. C’est pourquoi, Karl Max considère l’idéologie comme un mode de production d’idées au service d’une classe dominante pour l’oppression d’une classe dominée. Ainsi, l’idéologie devient un système intégré de valeurs et d’antivaleurs poursuivant un but soit de domination ou de libération à travers les luttes de classe.
Au demeurant, l’idéologie est un nettoyant des états d’esprit puisqu’elle concourt à l’amélioration de l’égrégore national par la puissance du verbe en agissant sur la géopolitique d’un pays. Elle devient à cet égard un chemin de combat pour un idéal partagé soit par la majorité du peuple, soit par une minorité profiteuse du peuple. C’est là, la bataille entre les vrais partis de gauche d’obédience socio-démocrate qui se battent pour les intérêts du peuple et les vrais partis de droite à sensibilité libérale avec un penchant modérément capitaliste ou néolibéral radical se manifestant comme une classe de politiciens qui cautionne la confiscation de tous les monopoles dans les secteurs productifs, les secteurs financiers et commerciaux, les secteurs sociaux.
Production des idéologues, un passage obligé en politique.
On ne peut faire la politique sans produire des idéologues car la politique doit se nourrir de pensées afin que les idéologues soient le moule dans lequel la formation des politiciens, des élites et des populations s’opère pour le recadrage des perceptions et des représentations sociales orientées vers un engagement à l’action.
Un idéologue est cette personne de culture politique, de culture économique, de culture sociale et de culture spirituelle avancée qui produit des pensées à forte charge vibratoire et susceptible de jouer un rôle de sapeur pompier quand un brasier s’active, un rôle d’hypotenseur quand la tension du roi ou du peuple monte.
L’idéologue c’est aussi l’assureur et le réassureur qui a l’art de rassurer donc de convaincre par la puissance positive du verbe.
Un idéologue doit être reconnu comme une personne dématérialisée, honnête et engagée dont la parole interpelle et met en confiance le roi sans trahir la volonté populaire. Il est celui par qui on appréhende les valeurs d’une organisation sociale parce qu’il les incarne en conviction, en sincérité, en comportement. Ce faisant, un roublard est un inconstant à conscience vacillante qui ne peut pas être un vrai idéologue; même en simule ce statut, il n’y parviendra pas.
Quand un parti politique n’a pas d’idéologues, l’animation de la vie politique se résume à une romance matérialiste où il ne reste qu’à célébrer les galets au lieu d’élever et de fortifier la conscience collective d’un peuple. Et pourtant, la priorité d’un parti politique responsable est de former des idéologues spécialistes et des idéologues généralistes pour ensuite former des citoyens à la vie militante d’engagement et de responsabilité.
Le milliard politique partisan (MPP) est juste une rente d’affaires au Bénin autour de laquelle ces politiciens véreux se dénoncent sur la prairie publique où ils viennent tous paître comme des adeptes de vacherie. Le peuple observe bien ce qui sort de leurs derrières et se fait une opinion sur les valeurs incarnées.
Le financement occulte des partis politiques continue malgré la réforme boiteuse du système partisan, car il n’existe pas une culture citoyenne de cotisation politique au Bénin; l’occultisme financier demeure une stratégie de l’ombre et rien n’aura changé en matière d’animation de la vie politique.
Tous ceux qui peuvent intervenir dans le financement occulte des partis politiques et des élections sont neutralisés et pour la plupart, ils ont été obligés de s’exiler.
Et c’est là la fragilité de la réforme du système partisan qui finira par s’effondrer comme du beurre au soleil. Cette stratégie malveillante de confiscation durable du pouvoir d’État traduit ce qu’il y a de mauvaise foi à l’extrême en politique au Bénin, le pays du Vodun.
Un bon idéologue est différent d’un porte-parole d’un gouvernement qui est au remplissage de son portefeuille en allant dans tous les sens de la manipulation des émotions de ses compatriotes sur la base de la seule volonté de ce que veut son maître employeur.
Pour être un idéologue, il faut aimer la droiture, être un homme de conviction et de foi, surtout, être pétri de la compétence des compétences que sont la morale et l’éthique, les seules compétences porteuses de valeurs nobles pour produire des interactions positives et des effets d’entraînement.
Des figures emblématiques qui ont été de vrais idéologues.
De vrais idéologues, le Bénin en disposait comme Justin Tometin Ahonmadégbé, Abdoulaye Issa, Adjo Boco Ignace, Rafiatou Karimou et Jean Pliya.
C’est en se replongeant dans la vie et les œuvres de ces personnalités avec la contribution des historiens qu’on peut retrouver les valeurs que ces personnes incarnaient dans le combat politique et social de notre pays pour faire féconder la renaissance d’une vie militante en vue d’un vivre-ensemble durable au Bénin.
En cela, le mot RUPTURE est idéologiquement un mot creux à mettre de côté en faveur de la continuité historique car l’histoire ne se construit jamais en effaçant les traces du passé. Ceux qui agissent de la sorte sont des gens orgueilleux et matérialistes sur les bords. Ce qui lie ceux-là c’est le matériel essentiellement ; ce qui finit par les diviser violemment c’est le matériel et enfin, ce qui finit par les détruire, c’est le pouvoir éphémère de la course au matériel puisqu’ils sont tous atteints du syndrome de capharnaüm. Il suffit d’observer patiemment leurs comportements pour se rendre compte qu’ils se neutralisent entre eux sans le moindre état d’âme, juste parce que le pouvoir matérialiste est plus développé en eux que le pouvoir spirituel de bienfaisance.
Utilité sociale de la clarification institutionnelle des bords idéologiques.
Sans la clarification des bords idéologiques des partis politiques, on n’est pas en démocratie mais en dictature avec des partis de profiteurs des deniers publics.
Sans la clarification idéologique, pas d’écoles de partis et il n’existe que de faux leaders politiques qui ne sont que des carriéristes et des affairistes pour la sauvegarde d’intérêts égoïstes.
Sans idéologie au service du peuple, pas de débats d’idées, pas de démocratie ; il n’y a que les rapports de force qui prospèrent en faveur du fort de l’instant.
Tout débat d’idées en politique est ainsi un débat idéologique. Faute de combats d’idées, le combat matérialiste prend le dessus. C’est le cas des débats politiques au Bénin qui ne sont rien d’autres que les marchandages et les chantages comme au marché de GBOGBANOU entendu le marché des moutons bagarreurs qui renversent les étalages achalandés.
En tout jeu, il faut un arbitrage et c’est le rôle d’un idéologue entre autres. Un idéologue n’est pas un beau parleur avec sa verve endiablée qui tient à tout prix à vaincre par la séduction au moyen de l’art oratoire et des statistiques frelatées et enjolivées. Un idéologue n’est pas non plus un idiot qui ment et manipule en prenant le peuple souverain pour un magma d’imbéciles sans intelligence ou des jouets d’enfants. Un peuple se respecte parce que c’est lui le souverain.
Les partis politiques au Bénin et leurs idéaux désincarnés.
La force d’une réforme publique notamment politique c’est la vérité, la sincérité et le désintéressement pour le bien commun. Lorsque l’hypocrisie et la méchanceté sont des inputs d’une réforme publique, elle échoue toujours en raison des toxines qui y sont injectées pour le parasiter à la racine.
Tout est à repenser en politique au Bénin avec un système partisan sans idéologues et sans capacité à incarner leurs propres idéaux formalisés sur papier.
La discipline d’un parti vient de son idéologie et la discipline du peuple provient du consensus idéologique auquel il adhère massivement à travers des idéaux formalisés et incarnés sagement par les élites. C’est pourquoi, les valeurs précèdent et justifient la soumission à la loi. En somme, l’idéologie, c’est ce qu’il y a de fortement spirituel dans la gouvernance publique, ce qu’un État et son peuple entendent faire pour assurer l’indépendance du pays dans l’interdépendance des peuples et sur la base d’une souveraineté induisant un pouvoir d’autonomie de décision sans aucune interférence étrangère.
Le budget général de l’État, un outil fortement idéologisé.
Tout système technologique, écologique, économique, fiscal, financier, social est incontestablement déterminé par une idéologie soit pour enrichir soit pour appauvrir un écosystème et ceux dont leur vie en dépend.
Il se révèle que le budget général de l’État est un outil idéologique qui permet de cerner les valeurs défendues et incarnées par un régime politique par rapport au développement du capital humain. Un tel budget a trois options : il est de gauche, de droite ou de mixage idéologique, mais jamais au mépris du bien commun dont la première composante est la bataille pour le bien-être du peuple.
Les idéologues émergeants et les défis de la HAAC.
On ne peut guère promouvoir un système d’idéologie nationale (SIN) au Bénin sans recourir à la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication (HAAC) qui doit départir de son rôle de répression des organes de presse et de restriction des libertés d’expression qu’elle s’est abusivement octroyée. Elle ne doit pas être un soutien subtil à la propagande politique d’un régime ; elle doit redevenir une institution constitutionnelle au service de l’orientation et de l’éducation nationales en appuyant tous les organes de presse et les réseaux sociaux sur les idéaux de développement du Bénin. Une HAAC doit beaucoup travailler avec les médias et les différents ordres de l’éducation nationale pour ainsi dire.
Avons-nous des idéologues au Bénin à l’issue de la réforme du système partisan ?
Les meilleurs idéologues ne sont pas de la mouvance présidentielle actuelle. Il y a cinq personnalités qui remplissent les critères décrits ci-dessus :
1er M. Philippe Noudjènoumè
2è M. Eugène Azatassou
3è M. Valentin Agossou Djenontin
4è M. Basile Comlan Ahossi
5è M. Kémi Séba.
Le défi de produire de vrais idéologues reste entier et grand au Bénin.
Retroussons nos manches car le bas peuple ne croit pas en ses élites malgré l’empierrement du pays.
La paix est une dérivée d’un courant idéologique, et partout où la paix est menacée, c’est qu’il y a une confusion idéologique, ce qui retarde le développement.
Simon-Narcisse TOMETY